Invitée du festival EveryBody, nouveau festival sur le corps contemporain au Carreau du Temple à Paris, aux côtés de Rebecca Chaillon ou Chiara Bersani, Annabel Guérédrat y donne son solo I’M A BRUJA.
Qu’est-ce qu’une Bruja ?
Une Bruja signifie une sorcière caribéenne, qui a grandi et baigné dans le bassin caribéen, qui connaît les secrets des rituels afro-diasporiques, qui est connectée à ses ancêtres et ses entités Yoruba. Je fais explicitement référence en disant I’M A BRUJA : JE SUIS UNE SORCIERE, à la chanson de Princess Nokia*, Brujas, dont le clip vidéo commence par un rituel à Yemaya, déesse des eaux salées, mère de tous les Saints. Je suis très inspirée et imprégnée des écrits d’Audre Lorde, entre autres dans Sister Outsider, lesquels nous exhortent, nous femmes noires et métisses, à honorer nos déesses Yoruba, nos guerrières Ogunna, nos Amazones qui sommeillent en nous, notre panthéon d’entités féminines afro-diasporiques venant du Bénin, du Nigéria et du Congo
Cette performance réunit 5 « Brujas ». Un lien entre elle ?
Ce qui les relie, les réunit, c’est le rituel; ainsi que mon corps en transformation permanente. La magie opère à travers le cercle de bougies. Ce dernier va grandir jusqu’à devenir l’espace du rituel final, le rituel du soin, de « prendre soin de soi », l’espace du CARE pour se transformer en Goddess, Yemaya ou Mamman Dlo dans la mythologie antillaise.
Danser nue, se réapproprier son corps c’est un manifeste poétique? Politique ?
Danser nue a été un process « naturel » pour moi. Comme si j’étais habillée de ma peau et mes os. Je suis praticienne somatique, en body-mind centering, technique release basée essentiellement sur le toucher, le contact peau à peau. Et pour moi, la peau habille. L’intimité du solo vient davantage du rapport de proximité avec le spectateur : faire en sorte de l’inclure dans le rituel de la sorcière, plutôt que de le positionner à une place de voyeur. Le nu me met dans une matière « poéeutique » : poétique et politique à la fois. Aussi parce qu’à travers la nudité, je revendique une forme de liberté. Je restitue au monde une parole de femme qui est la mienne, située en Caraïbes, et en même temps, traversée par plein d’influences diverses de par mes voyages, mes rencontres. Une porosité. Ce solo est autobiographique et fictionnel à la fois.
Pouvez-vous nous parler de la prochaine édition du Festival International d’Art Performance ?
Le FIAP Martinique a été créé en 2017 en Martinique. C’est un Festival qui réunit des chercheurs.ses, des performeurs.euses, des critiques d’art et commissaires d’exposition du monde entier, en s’axant sur un axe vertical des Amériques (du Canada à l’Amérique du Sud) sans exclure l’Europe, l’Afrique et l’Asie. 2022 sera l’année de la 3ème édition et le festival s’étalera sur presqu’un an avec des résidences d’artistes et de commissaires Et entre ces phases de recherches et d’imprégnation du territoire Martinique et de son histoire, un temps fort d’une semaine (15 au 22 mai). Nous sommes trois commissaires à avoir réalisé la programmation : Alicja Korek (Pologne), Henri Tauliaut (Guadeloupe) et moi-même (Martinique). Nous cherchons à créer un network qui ira au-delà du FIAP Martinique. en créant également des binômes : un artiste/un commissaire. Des specific sites, seront choisis, in situ, en pleine nature comme à la Savane des Pétrifications et à la presqu’île de la Caravelle, pour expérimenter sous forme de « laboratoire » des performances. Les autres jours de la semaine, auront lieu des performances tout public, le soir, dans Fort de France. Des workshops sont aussi prévus. La thématique est : la Martinique, un écosystème à équilibre précaire.
Propos recueillis par Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
I’M A BRUJA conception et interprétation Annabel Guérédrat, Festival EveryBody, Carreau du Temple, Paris les 18 et 19 février 2022
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