Iolanta, la fille du roi René de Provence, est née aveugle. Son père n’a pas voulu qu’elle connaisse son mal et
la jeune fille vit comblée au milieu des fleurs, des oiseaux et du chant de ses amies. Consulté, le médecin maure de la cour pense que Iolanta pourrait guérir si elle avait conscience d’être privée de la vue. Un jour, le duc de Bourgogne à qui elle est promise et le comte Vaudémont la rencontrent et comprennent qu’elle ne distingue pas les couleurs… L’amour donnera à la jeune fille une force miraculeuse et elle verra.
Perséphone, fille de Zeus et de Déméter est enlevée
par son oncle Hadès qui la retient aux enfers. Elle passe l’automne et l’hiver dans les mondes souterrains mais incarne le renouveau de la végétation du printemps et
de l’été. Le poème d’André Gide reprend ce thème mythologique en trois mouvements : le rapt, les enfers,
la renaissance.
Ténèbres et lumières
C’est au Teatro Real de Madrid, en 2012, qu’est née cette production programmée par Gérard Mortier enthousiasmé par l’idée de Peter Sellars : associer en un seul spectacle deux ouvrages très différents.
Pour Peter Sellars, la proximité artistique et spirituelle des deux ouvrages ne fait pas de doute. Et pour comprendre ce Tchaïkovski qui mourra tragiquement peu après, il est allé vers un musicien qu’il aimait, Stravinsky.
Même démarche pour le chef Teodor Currentzis.
Parlant de Iolanta, le metteur en scène américain dit, en une formule éclairante : « C’est la symphonie Pathétique, mais avec de la lumière » quand l’artiste grec note que si « Iolanta tient du conte de fées, l’ouvrage est douloureux, obscur. Mais la jeune femme qui recouvre la vue apprend aux autres où est la vraie lumière, où est la véritable vision. »
Perséphone est inscrite dans ce droit fil du dialogue des ténèbres et de la lumière, approfondi de l’opposition des enfers et de la vie sur une Terre où la nature exulte.
La réalisation théâtrale et musicale traduit la pensée de Teodor Currentzis et de Peter Sellars. La scénographie dégage l’espace pour les protagonistes, le chœur, les ballets. Quatre portiques de tailles différentes, supportant des pierres aux allures d’oiseaux abstraits, scandent l’espace, inscrivant profondeur et perspective, sur fond aux couleurs changeantes. Les lumières traduisent la nuit en bleus profonds et la lumière du jour en nuances dorées. Les costumes jouent de couleurs franches : un bleu roi pour Iolanta puis Perséphone, un jaune d’or pour Déméter, des rouges, des verts, du blanc.
Deux gestes très originaux marquent la production : le chant des Chérubins de la Liturgie de Saint Jean Chrysostome de Tchaïkovski est introduit juste avant le dénouement de Iolanta et, dans Perséphone, ce sont des danseurs du Amrita Performing Arts du Cambodge qui prennent en charge le ballet, manière pour Peter Sellars d’inscrire une dimension politique dans son projet et d’élargir le dialogue ténèbres/lumières à l’idée de délivrance, de liberté.
Tout cela, la direction d’orchestre de Teodor Currentzis le traduit magistralement. Il conserve aux deux univers musicaux leurs nuances spécifiques, tout en suggérant les passages. La qualité des chanteurs, la présence puissante de Paul Groves, la personnalité de la comédienne Dominique Blanc se répondent et disent, par-delà les personnages qu’ils incarnent, le mystère de deux œuvres poétiques qui se répondent.
Iolanta
Piotr Illitch Tchaïkovski
Opéra lyrique en un acte, 1892
Livret de Modeste Tchaïkovski
d’après Henrik Hertz
En russePerséphone
Igor Stravinsky
Mélodrame en trois scènes, 1934
Livret d’André Gide
En français
Production du Teatro Real de Madrid.
En partenariat avec le Festival international d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence.Opéra de Lyon
Du 11 au 26 mai 2016
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