Metteur en scène et cinéaste hongrois, créateur d’images vertigineuses, Kornél Mundruczó présente à la MC93 avant Vidy-Lausanne et Strasbourg, Imitation of life, un chef d’oeuvre qui donne à voir la violence de la différence et de l’exclusion dans une société foncièrement raciste avec une maestria sidérante.
Intéressé par les questions de minorité, de marginalité, Mundruczó porte à la scène deux portraits de femmes mères célibataires. L’aînée apparaît d’abord, longuement filmée, en très gros plan. Elle est seule, malade, les traits du visage creusés, l’air abattu mais le ton véhément, elle attend désespérément le retour de son jeune fils qui a coupé les ponts avec sa famille et a fui pour la ville où il a changé de nom et se prostitue. Proche de la mort, elle reçoit la visite d’un fonctionnaire d’état, huissier de justice malaisé, lui apportant son avis d’expulsion du logement social qu’elle occupe modestement. L’autre femme est une jeune veuve en galère qui, pour survivre, occupe, à sa suite, la petite location où elle s’installe avec son enfant totalement mutique.
Inspirée d’un fait divers qui a eu lieu en mai 2005 à Budapest – l’agression d’un jeune rom dans un bus de ville par un garçon du même âge et de la même origine appartenant à un mouvement d’extrême droite – la pièce brasse des questions complexes d’identités, de haine de soi, de haine de l’autre. Sans jamais réduire le propos à l’anecdote ou au didactisme pesant mais en prenant le temps de faire exister les choses, sans embellir, sans surcharger, avec un réel soucis de vérité. La vie quotidienne se dépeint précaire et hostile.
Rétrécie, la scène tient dans une boîte qui figure le petit appartement de la ville, rudimentaire et insalubre. Tout est minable, exigu, dans l’unique pièce réunissant cuisine, salle et chambre désuètes. Ce décor impressionne lorsqu’il se met à tourner sur lui-même charriant en un tour complet tout son mobilier et ses objets. Une incroyable quantité de livres, linges, vaisselles, gris-gris usés, glisse, chavire, bascule, claque, s’amoncelle dans un chaos spectaculaire, à l’image des existences brisées, renversées que contiennent les murs lépreux.
Connu pour être un artiste provocateur et controversé, Kornél Mundruczó adopte un geste profondément empathique et engagé. Il signe une représentation condensée dont l’écriture à la fois théâtrale et cinématographique passe avec fulgurance de l’hyperréalisme au surnaturel, et se porte toujours au plus près de l’humanité profonde des êtres et de leurs vicissitudes. Avec une force émotionnelle incomparable, les fabuleux acteurs du Proton Théâtre transcendent ce drame social qui est aussi une fable de l’exclusion, de la discrimination d’une justesse admirable Tout est d’une pertinence bouleversante, politiquement questionnant, humainement déchirant.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Imitation of life
Kornél Mundruczó & Proton Theatre
Mise en scène Kornél Mundruczó — Proton Theatre
Avec Lili Monori, Roland Rába, Annamária Láng, Zsombor Jéger, Dáriusz Kozma
Scénographie Márton Ágh
Costume Márton Ágh, Mnda Domán
Lumière András Élteto
Texte Kata Wéber
Dramaturgie Soma Boronkay
Musique Asher Goldschmidt
Assistant mise en scène Anna Fehér
Direction technique András Élteto
Régie lumière Zoltán Rigó
Régie son Dániel Hidvégi
Régie plateau Benedikt Schröter
Accessoiristes Tamás Fekete
Assistants plateau Zsolt Zsigri
Habilleuse Melinda DománCoproduction Wiener Festwochen — Vienna, Theater Oberhausen, La Rose des Vents — Lille, Maillon — Théâtre de Strasbourg – Scène européenne, Trafó House of Contemporary Arts — Budapest, HAU Hebbel am Ufer — Berlin, HELLERAU — European Center for the Arts — Dresden, Wiesbaden Biennale
Avec le soutien de KUBIK Coworking, Kryolan City, Open Casting, PP Business Centre — Budapest, VisionTeam.
Durée: 1h40MC 93 à Bobigny
7 > 10 février 2018Vidy à Lausanne
Du 14 au 15 février 2018Le Maillon à Strasbourg
mer. 18 au sam. 21 avril 2018
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