Pauline Bayle parcourt avec audace et maîtrise les deux grands poèmes épiques d’Homère, L’Iliade et L’Odyssée, dans une transcription inspirée pour seulement cinq acteurs qui adoptent des solutions aussi bien pratiques que poétiques. Un beau diptyque d’une force et d’une simplicité éloquentes.
Compactés dans le petit hall du Théâtre de la Bastille, les spectateurs assistent étonnés à la prise de bec entre Achille et Agamemnon qui inaugure le départ pour Troie. Ulysse catalogue les courageux guerriers achéens débarqués avec toute leur flotte pour mener l’expédition hors du commun. Parfaitement condensés, les longs récits de guerre entre deux camps ennemis, les tourments des batailles et l’éprouvant retour (plus de 20 000 vers en tout) sont ici resserrés dans le temps et l’espace. Des chaises, des sceaux, un magma de terre, des giclures de peinture et des envolées de paillettes forment la matière première d’une scénographie dépouillée caractéristique d’un geste essentialiste qui se présente nu mais particulièrement bien musclé.
Le sang rouge qui macule les corps et les visages dit la boucherie des combats, une fine pellicule dorée pour armure figure la gloire des héros mythiques présentés, comme les dieux, en tee-shirts sans attrait particulier. Un Ulysse démuni, échoue, nu comme un ver, sur une plateforme insulaire, sorte de radeau de bois dur bientôt recouvert de la terre trop longtemps recherchée. La mise en scène ne s’adonne pas au spectaculaire mais fait autorité. Tout comme les acteurs, combatifs et sensibles, tous issus du Conservatoire de Paris, d’une puissance de jeu égale.
Faisant fi du sexe, de l’âge, du rang des personnages qu’elle joue, la troupe passe tour à tour d’un rôle à l’autre ou bien se partage le même. Quelques fantaisies, quelques facilités aussi, sont bienvenues dans l’Iliade à l’humour parodique et distancié tandis que l’Odyssée, plus grave et austère, met face à des questions initiatiques de premier plan qui sont celles des textes, composés aux environs des IX et VIII siècles, à la fois fondateurs et universels. Le travail opéré dessus est tenu de bout en bout. Il sait où il va, fait des choix et les assume. La clarté de la narration, le poids de la langue sont restitués dans une frontalité sèche et la peinture des éléments naturels est amplifiée sans ostentation. Le spectacle transporte aux confins d’un monde légendaire et foisonnant en monstruosité comme en humanité.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Iliade / Odyssée
D’après Homère, dans les traductions de Victor Bérard et Leconte de Lisle. Mise en scène, adaptation et scénographie Pauline Bayle. Avec Charlotte van Bervesselès, Florent Dorin, Alex Fondja, Viktoria Kozlova et Yan Tassin. Assistante à la mise en scène Isabelle Antoine. Assistanat à la scénographie Lorine Baron. Lumières Pascal Noël. Costumes Camille Aït.Iliade
Coproduction Compagnie À Tire-d’aile, Label Saison et Théâtre de Belleville Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National Avec le soutien du Plateau 31 – Fabrique de culture de Gentilly, du Shakirail et de l’association Rue du Conservatoire – élèves et anciens élèves du CNSAD
Odyssée
Coproduction Compagnie À Tire-d’aile, MC2 : Grenoble, Scène nationale d’Albi, La Coursive – Scène nationale La Rochelle, TPA – Théâtre Sorano – Toulouse et TDC – Théâtre de Chartres Avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Île-de-France
Durée : Iliade 1 h 25
Odyssée 1 h 45Théâtre Puplic de Montreuil
Iliade
14.09.2022 > 09.10.2022
Odyssée
15.09.2022 > 09.10.2022
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