L’art est-il un moyen de passer une porte ?
Un jour de 1986, Marc Perrone m’a proposé de jouer pour les détenus de la Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, avec Carlo Rizzo, percussionniste. C’était ma première rencontre avec le milieu carcéral et je découvrais naïvement que l’expérience n’allait pas de soi. Le nombre de sas, de couloirs, de pièces, de clés, de portes à ouvrir est un parcours de mise en condition. On ouvre des portes verrouillées que l’on referme derrière l’acteur. Sans soutien technique scénique, le « semblant » n’a pas sa place. La représentation est juste ou n’est pas, sans appel. L’artiste est, comme le détenu, face à sa condition. Ce jour-là, à Fleury-Mérogis, je me suis demandé durant toute notre prestation, pourquoi les détenus rentraient et sortaient de la salle de spectacle.
C’était un va-et-vient constant très déstabilisant pendant que nous jouions pour eux. La prestation leur plaisait-elle ? Ne leur plaisait-elle pas ? Curieux ? Pas curieux ? Déstabilisés ? Trouvaient-ils cela utile ? Inutile ? Étaient-ils sensibles ? Insensibles ? La réponse, surprenante, était tout à fait d’un autre ordre. Le gardien, que j’interrogeai sur ces déplacements, me répondit qu’il était rare que des portes restent ouvertes. Et il m’expliqua ceci : Les détenus passent cette porte pour le plaisir d’en franchir librement le seuil, pour connaître la «sensation» de passer une porte ouverte. Au début de notre travail, Markus et moi, nous avons beaucoup travaillé sur la prison, nous avons lu, regardé des films, fait des rencontres. Si nous avions besoin d’aller là, au cœur de l’enfermement c’était sans doute pour nous interroger sur tous les enfermements que chacun d’entre nous subit et produit chaque jour, c’était aussi sans doute pour trouver comment parler de l’évasion possible. En fin de compte, l’évasion poétique se révèle le moteur de l’œuvre que je souhaite créer avec Markus Schmid et Pierre Bastien.
Oui, l’art peut être simplement cela : un moyen de passer une porte. Note d’intention de Jérôme Thomas
ICI. (Création)
ARMO / Cie Jérôme Thomas
un projet de Jérôme Thomas, Markus Schmid et Pierre Bastien
avec Jérôme Thomas et Markus Schmid
musique et création des machines musicales Pierre Bastien, son Ivan Roussel,
lumière et scénographie Bernard Revel, costumes et accessoires Emmanuelle Grobet,
régie plateau Julien Lanaud, direction de production Agnès Célérier
production Association ARMO – Cie Jérôme Thomas avec le soutien de la Cie Andrayas
co-production Comédie de Caen – Centre dramatique national de Normandie,
Agora – scène conventionnée pour les arts du cirque de Boulazac, Théâtre Dijon Bourgogne – CDN
avec le soutien de l’Artdam – agence culturelle technique
remerciements à Pierre Bolze
ARMO / Cie Jérôme Thomas est conventionnée par le Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Bourgogne et le Conseil régional de Bourgogne
du 28 mars au 1er avril 2012 au CENTREQUATRE
du 3 au 14 avril 2012 au Monfort
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