Cet été, le public du 73e Festival d’Avignon a découvert La Maison de Thé de Meng Jinghui considéré comme le pionnier du théâtre d’avant-garde en Chine. Le spectacle a fortement partagé le public. Une oeuvre à l’opposé de l’opéra chinois, véritable trésor national.
Lors de l’exposition Du Nô à Mata Hari qui s’est tenue en 2015 à Paris, le sinologue Jacques Pimpaneau revenait sur l’Opéra chinois dans un essai. Contrairement à ce que son nom pourrait laisser supposer, cet art de la scène né aux alentours du XIIIe siècle, n’a que peu en commun avec la tradition occidentale qui a commencé au XVIIe siècle. Il faut faire abstraction de Verdi ou Mozart, l’Opéra chinois est un spectacle multiple qui fait appel à une musique bien différente de ce à quoi l’oreille européenne est habituée, mais il y aussi du chant, des parties récitées, une gestuelle précise, de la danse, des acrobaties, un art particulier du costume et des maquillages. En effet, chaque élément à une signification précise que le public (chinois) connaît et apprécie.
Cet art est né dans la Chine impériale, probablement des échanges avec l’Inde. Les premières traces d’Opéra chinois apparaissant dans une région marchande, typique du commerce maritime avec son voisin du sud. L’Opéra chinois connaît une sorte d’âge d’or sous la dynastie des Yuan (1271-1368), nous connaissons d’ailleurs plus de 150 pièces de cette période, elles sont encore relativement courtes, puisqu’elles sont construites en quatre actes. Sous la dynastie Ming (1368-1644), ils commenceront à pouvoir s’étendre sur plusieurs jours.
Depuis l’époque des Yuan, ces opéras et ceux qui sont nés ensuite sont sans cesse adaptés tout au long des siècle. Le répertoire contient des pièces historiques, des histoires d’amour difficile, des pièces où les bonnes gens luttent contre les bandits, des légendes… Outre les signes, le public connaît ces histoires et sait les apprécier. Le divertissement vient du travail de l’acteur et la qualité du chant. Les chinois écoutent un opéra davantage qu’ils le voient, comme le fait l’Occident.
Comme le reflète le festival qui va se tenir à Malakoff, les compagnies sont nombreuses à travers ce pays grand comme 14 fois la France. Il y a néanmoins des constantes dans l’art de l’Opéra chinois qui se retrouvent partout dans le pays. Tous les rôles sont classés de façon semblable, les rôles de femmes, d’hommes, de clowns et de « visages peints ». Ces catégories se divisent elles-mêmes en un grand nombre de subdivisions. Les costumes sont les mêmes, quelle que soit l’époque. C’est eux qui indiquent le statut social du personnage. Par exemple, les hauts fonctionnaires portent des robes ornées de broderies, un dragon sur le corps et des vagues sur le bas. Les femmes vertueuses ont une longue veste noire brodée d’un galon bleu… La gestuelle est fixe, tel mouvement va à tel personnage. Les façons d’exprimer les sentiments sont aussi codifiées en fonction de chaque personnage. Ainsi, le mérite des acteurs, dans cet art si balisé réside dans l’art de maîtriser les normes. Encore aujourd’hui, les élèves de l’Opéra de Pékin doivent connaître notamment 72 gestes pour exprimer les émotions et 35 manières différentes de sortir de scène !
L’Opéra chinois se refuse à toute forme de réalisme. « A quoi bon reproduire ce qu’on peut voir dans la rue ? », scande un dicton d’acteur. Rien n’est laissé au hasard, aucun geste n’est pas dansé, aucune parole n’est parlée, car même dans le cas où le personnage récite, la voix naturelle de l’acteur ne doit pas transparaître, seulement celle de son personnage ! Pour le spectateur européen non averti, l’Opéra chinois restera donc un art incompris par la raison. Mais n’est-ce pas un bon moyen de laisser enfin un peu de place à nos sens ?
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
Plus d’informations : 8e festival des opéras traditionnel chinois
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !