Yolande Moreau et Christian Olivier se réunissent sur la scène du Rond-Point pour présenter Jacques Prévert sous un jour inhabituel. Tout le monde connaît l’auteur du Cancre, des Feuilles Mortes ou des dialogues du Roi et l’Oiseau. En revanche, on connait moins le Prévert physiquement contestataire, dramaturge pour théâtre ouvrier et grande gueule du « groupe Octobre ». Ce spectacle, sobrement intitulé Prévert, compte faire la part belle à la face cachée de l’écrivain.
Prévert, poète associé à l’enfance dans notre imaginaire, est aussi auteur corrosif du « Groupe Octobre » (nommé ainsi en référence à la révolution bolchévique de 1917), pour lequel sa première production fut Vive la presse en 1932. Une pièce qui fait passer toutes les charges « anti-médias » des gilets-jaunes pour des chansons d’amour. Ce premier geste littéraire contre les puissances de l’argent n’a rien de surprenant quand on connaît le tempérament de l’homme qui a d’abord versé dans le surréalisme : n’était-il pas monté sur la scène du Vieux-Colombier en 1928 pour gifler un acteur qui disait des textes de Cocteau ? Dans Vive la presse, un chœur conclut le drame en avertissant le public ouvrier que « mourir pour la patrie, c’est mourir pour Renault ».
Mais pourquoi est-ce lui que le groupe avait demandé ? Parce que Jacques Prévert s’était fait remarquer en publiant le poème Tentative de description d’un dîner de tête à Paris France, dans la revue animée par Paul Valéry.
En ce début des années 1930, sans jamais être adhérent du Parti Communiste, Prévert se lance à corps perdu dans l’expérience du théâtre ouvrier contestataire par essence. Avec sa plume, il défend les plus faibles, les mis sur le ban de la société. Il dénonce, invective les politiciens, les patrons, la corruption et la bourgeoisie. Très réactif à l’actualité, le lendemain de la prise du pouvoir par Hitler, Prévert avait écrit L’Avènement d’Hitler, répété dans la nuit par la troupe il était joué au cours d’un meeting, au bal Bullier, avenue de l’Observatoire. En 1933, toujours aussi rapide, il écrit en quelques heures un chœur parlé pour être joué en soutien envers les grévistes de Citroën. Le spectacle est représenté pendant toute la durée du conflit.
Le groupe Octobre est partout, des réunions ouvrières aux commémorations de la Commune au mur des Fédérés. Il fait du théâtre mais aussi des courts métrages et de la chanson. Mais l’aventure est aussi riche en actions qu’elle est pauvre en espèce sonnante et trébuchante. La fin est rapide, au bout de 4 ans, le groupe disparaît. La même année où le Front Populaire arrive au pouvoir. Prévert se dirige alors naturellement vers autre chose, notamment le cinéma.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
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