Le premier numéro trimestriel de l’année 2018 de la Revue d’Histoire du Théâtre est consacré au « jeu de Maria Casarès ». A travers une dizaine d’articles, universitaires et personnes ayant côtoyé l’actrice racontent et analysent une comédienne au travail. Marion Chènetier-Alev, se concentre sur la façon dont la critique et l’entourage de l’actrice a parlé de cette artiste si marquante à travers toute sa carrière. Isabelle Adjani prêtera sa voix aux mots de Maria Casarès le vendredi 13 juillet au Festival d’Avignon, dans une lecture de sa correspondance avec Albert Camus (interprété par Lambert Wilson). Et pendant l’été, du 17 juillet au 17 août, une visite contée du domaine de la Maison Casarès sera proposée par Johanna Silberstein et Matthieu Roy, les co-directeurs de la Maison Casarès à Alloue.
La carrière de Maria Casarès débute en 1942 dans Deirdre des douleurs de John Millington Synge. Dès ses premiers pas, ceux qui la verront jouer souligneront la « tension » dans son jeu. Elle est immédiatement remarquée à cause du degré d’intensité qu’elle met dans sa façon d’être sur scène. Elle est l’une des représentantes notables du « déraisonnable » qui caractérise le jeu apprécié à cette époque.
Casarès est particulièrement remarquée dans son rôle de Lady Macbeth où sa « fièvre » est relevée par la critique : Casarès se donne, tremble, frémis, crie et se débat pour ne pas se noyer dans ses larmes. L’inverse est aussi vrai, elle est saluée pour le feu qui l’anime, ou encore la « transe » qui la secoue. Plus généralement, on salue l’équilibre entre sa fougue et sa technique. Elle est consciente de son investissement total et assure elle-même : « même en scène, je suis séparée [de mon personnage], même pendant ».
Cela ne l’empêche pas de surprendre son public. En effet, Maria Casarès ne s’est pas cantonnée aux seules tragédies, alors même qu’elle était caricaturée dans la presse dans ce genre de rôle. Marion Chènetier-Alev souligne que seulement une quinzaine de pièces créées avec Casarès (sur une centaine) sont des tragédies. L’actrice surprend le public sans cesse : dans une création des Paravents de Jean Genet, on souligne une Casarès « exorcisée de ses manies coutumières ». Elle assure elle-même « sans cesse briser pour se remettre en question ».
Sa diversité de jeu conduit à une « recherche de vocabulaire unique dans l’histoire de la critique dramatique ». De nombreux mots tentent de définir son jeu, notamment sa voix : tour à tour, elle gazouille, vocalise, trille, chantonne, hulule, brame, chevrote, geint, module, bêle, rugit, hurle, susurre, hennit, glapit, vocifère, stride, chante, et incante… Elle joue, elle incarne, non pas des personnages mais l’univers tout entier des auteurs.
Apparentée à Rachel, Réjane, Sarah Bernhardt, Ludmilla Pitoëff… Elle s’inscrit dans la filiation des grandes artistes qui l’ont précédée. Artiste multiple, inégalée car particulièrement hors norme, on oublie parfois que Casarès a existé, tant ce « monstre sacré » fait aujourd’hui figure de légende.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
Pour aller plus loin : Le Jeu de Maria Casarès sur le site de la Société d’Histoire du Théâtre.
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