La mise en scène de Détails de Lars Norén, par Frédéric Bélier-Garcia, arrive au Théâtre du Rond-Point cette semaine. Le nom de l’auteur suédois est bien connu en France, on a apprécié de nombreuses productions de 20 novembre, Catégorie 3:1 ou encore Démons. Mais son théâtre – plus d’une vingtaine de pièce – se résume-t-il à ces seules pièces ?
Lars Norén est un auteur et metteur en scène né à Stockhom, en 1944. Dans le royaume, il est considéré comme « le successeur de Strindberg », une filiation qui marquante, puisqu’il est assez rare que, en dehors des spécialistes, on soit capable de citer plus de dramaturges suédois que ces deux-là. Un temps, il a dirigé le Riksteatern, la compagnie de tournée de Suède, mais il est avant tout auteur et metteur en scène provocant et prolifique.
Sa première pièce, Le lécheur de souverain (1973), qui se déroule au Moyen Âge est un échec. Il connaîtra son premier succès public avec Oreste en 1980. Cette pièce est la dernière à ne pas se situer dans l’espace-temps actuel. Depuis lors, on relève trois grandes périodes dans son travail.
Il puise d’abord dans sa vie personnelle pour produire son théâtre. Les allemands appellent cette période le « boulevard macabre », Norén, lui, préfère le qualificatif de « réaliste ». On y trouve les drames familiaux comme Calme (1984), mais aussi des pièces connues en France comme Démons (1982) ou La Veillée (1983) qui vont le conduire jusqu’au début des années 1990. Cette période débutait avec Acte sans pitié et La Force de tuer (1978).
En France, c’est avec cette pièce qu’il est découvert en 1987, au Petit Odéon, dans une mise en scène de Jean-Louis Jacopin. Suivront Jorge Lavelli qui montera La Veillée, en 1989 et Robert Cantarella qui s’attaque au Sourire des mondes souterrains en 1992.
Beaucoup attribuent la vision de la réalité de Lars Noren à une expérience traumatisante vécue autour de 20 ans : à cette époque, il est interné en hôpital psychiatrique car il est diagnostiqué schizophrène.
A jamais différent aux yeux de la société, plongé dans la douleur, au tournant du XXIe siècle, il décide de s’intéresser à tous ceux qui sont à la marge. Cette deuxième période conduit l’auteur à prendre un virage sociologique. Elle est celle des personnages de la rue, produits de la société et reflet de la faillite du système suédois. Son intérêt pour celui-ci le conduit à écrire Catégorie 3:1, qui fait l’effet d’une bombe à la fin des années 1990. Il donne alors la parole aux exclus. Jean-Louis Martinelli s’y attèle en 2000 dans une production qui dure près de huit heures. Le nom de la pièce est une référence à la « case » dans laquelle sont rangés les marginaux de la capitale suédoise, dont Norén a partagé le quotidien sur la place Sergels Torg de Stockholm.
Dans la lignée, en 1999, il crée 7:3, du nom d’un travail avec des prisonniers qu’il a mis en scène. Cette pièce a créé une vive polémique en Suède, car les prisonniers qui jouaient dans la pièce bénéficiaient de permissions qui leur avait permis de commettre plusieurs braquages et être associés au meurtre de deux policiers en 1999.
Puis, dans un troisième temps, Norén prend du recul sur le quotidien et s’intéresse à l’actualité. On y retrouve des pièces polémiques comme Froid, qui met en scène un meurtre haineux orchestré par des jeunes néonazis (2002). Lars Norén illustre alors la privation de parole qui conduit à la violence, dont l’illustration la plus marquante pour le public français est Le 20 Novembre (2007). Par la suite, il publie A la mémoire d’Anna Politkvoskaïa, du nom de la journaliste russe assassinée en 2006. Ce drame ne met pas en scène celle dont il porte le nom, mais ce monde qui a conduit au drame dont elle a été victime.
Dans l’ensemble, le théâtre de Norén est sombre, difficile. Comme il le disait dans un entretien à Jean-Louis Martinelli, il veut montrer la vie comme elle « est vraiment ». Dans un entretien réalisé par Bernard Debroux, pour la revue belge Alternatives théâtrales, le dramaturge louait le pouvoir du théâtre car pour lui, contrairement aux autres arts, il est le seul pour lequel « il n’y a pas d’échappatoire ». Lars Norén oblige les spectateurs à affronter la réalité.
Détails, qui arrive au Rond-Point cette semaine, est une pièce en partie autobiographique, puisqu’elle a été composée en 1999 après dix ans de prise de note de Lars Norén au quotidien. Il y montre tous les détails qui conduisent le couple à se déchirer.
Derrière le théâtre de Norén, il n’y a pas seulement la violence. L’auteur est un empêcheur de tourner en rond, un éveilleur de conscience. Il invite les spectateurs à ouvrir les yeux sur la violence qu’ils produisent, simplement en vivant dans les sociétés occidentales contemporaines.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
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