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« Héroïne », un triptyque transgressif et plein d’humanité

A voir, Les critiques, Nancy, Opéra
Anthony Almeida met en scène Héroïne à l'Opéra national de Lorraine
Anthony Almeida met en scène Héroïne à l'Opéra national de Lorraine

Photo Jean-Louis Fernandez

L’Opéra national de Lorraine programme trois courtes pièces de Hindemith, Bartók et Honegger qui forment un drame existentiel exigeant et saisissant.

Pour ouvrir sa saison, dont le fil conducteur est le thème de la transgression, l’Opéra national de Lorraine ose programmer trois rares œuvres ramassées et sulfureuses du XXe siècle. Sancta Susanna, un titre de jeunesse de Paul Hindemith qui fit scandale à sa création en 1922, laisse s’épancher le désir fulgurant d’une nonne qui commet le geste sacrilège de se frotter entièrement nue sur le bois de la croix du Christ. Dans Le Château de Barbe-Bleue, unique opéra de Béla Bartók créé en 1918, Judith brave farouchement l’interdit en ouvrant une à une les sept portes des pièces closes derrière lesquelles se découvre l’univers lugubre de son monstre d’amant. Enfin, La Danse des morts, oratorio d’Arthur Honegger, créé en 1940 sur un livret de Paul Claudel, paraphrasant des textes sacrés, lève l’ultime tabou de la mort.

Dans la lecture du jeune metteur en scène Anthony Almeida, qui prend l’allure d’un conte noir pétri de questionnements existentiels, ces figures et destins se présentent de manière unifiée, comme les étapes du parcours de vie d’une seule et même héroïne démultipliée et représentée à différents âges, de son éveil à la sexualité à l’appréhension de sa condition de pécheresse, puis de mortelle. Que ce soit pour représenter l’austère couvent où Susanna prie de toutes ses forces avant d’être confondue par ses consœurs qui la maudissent, le sombre et froid palais de Barbe-Bleue avec sa chambre de torture, sa salle d’armes, son trésor, son jardin secret et sa rivière de larmes, ou la lande des damnés qui sert de décor à la troisième pièce, une seule et même boîte noire en pente sèche occupe le plateau. Fixe dans la première partie, puis tournant sur lui-même dans la deuxième, renforçant l’impression d’un huis clos suffocant, avant d’être plus ouvert et désolé dans la troisième, laissant découvrir un souterrain peuplé de revenants, l’espace est vide, restreint, piégeux. Sol et plafond calfeutrés, cloisons grillagées, il suinte l’inconfort et l’oppression.

Rien n’est illustratif dans le travail anti-superfétatoire du jeune metteur en scène. On ne s’en plaindra pas. La force de son geste scénique réside dans sa radicale épure, comme dans sa gestion de l’espace et dans sa remarquable direction d’acteurs, qui permet que chaque geste, chaque déplacement, soit absolument signifiant. Une fine et sensible caractérisation des personnages leur confère une vraie épaisseur physique et psychologique qui dépasse les clichés en exacerbant ce qu’ils ont de plus troublant et touchant.

Alors que la mise en scène refuse de tout donner à voir, la fosse joue le rôle crucial de tout rendre perceptible. La belle performance réalisée par l’orchestre sous la direction de la cheffe Sora Elisabeth Lee relève le défi avec une phénoménale puissance d’évocation. La brûlante et luxuriante sensualité de ces partitions complexes aux influences savantes et populaires est servie avec un lyrisme tantôt lumineux, tantôt caverneux, à la fois caressant et heurtant. Sans doute un peu trop hermétique, presque grandiloquente, la moins séduisante à l’oreille serait la pièce d’Honegger si le chœur au chant fervent n’y était excellent. Saluons aussi tous les interprètes impressionnants d’engagement, et surtout ceux du duo central : Rosie Aldridge qui chante Judith juste après avoir endossé le rôle de Klementia, et ce avec une forte présence et d’impérieux moyens vocaux ; en Barbe-Bleue aux graves profonds et généreux, Joshua Bloom se fait prédateur inquiétant et accablé rampant. Tendu à l’extrême, leur face-à-face est bouleversant tant l’amour et le danger y sont mis à nu.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Héroïne
Direction musicale Sora Elisabeth Lee
Mise en scène Anthony Almeida
Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Lorraine
Chef de chœur Guillaume Fauchère
Scénographie et costumes Basia Bińkowska
Lumières Franck Evin
Collaboration au mouvement Rosabel Huguet
Assistanat à la mise en scène Alixe Durand Saint Guillain
Assistanat à la direction musicale Silvina Peruglia Nogues
Coaching linguistique Borbála Szuromi

Sancta Susanna
Opéra en un acte
Livret August Stramm
Musique Paul Hindemith
Avec Anaïk Morel, Rosie Aldridge, Apolline Raï-Westphal, Yannis François, Séverine Maquaire

Le Château de Barbe-Bleue
Opéra en un acte
Livret Béla Balázs, d’après le conte de Charles Perrault
Musique Béla Bartók
Avec Joshua Bloom, Rosie Aldridge

La Danse des morts
Oratorio
Livret Paul Claudel, d’après des textes bibliques
Musique Arthur Honegger
Avec Anaïk Morel, Apolline Raï-Westphal, Yannis François, Claire Waution, Salma-Faïhrouz Jacquot-Anseur en alternance avec Adèle Thirion

Nouvelle production Opéra national de Lorraine

Durée : 2h40 (entractes compris)

Opéra national de Lorraine, Nancy
du 6 au 12 octobre 2024

8 octobre 2024/par Christophe Candoni
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