Dans H2 – Hebron, le duo Winter Family livre le résultat d’un long travail de terrain mené à Hébron, la seule ville palestinienne où sont installées des colonies israéliennes. Sans hélas en tirer autre chose que le constat d’une violence absurde.
Devant une grande table noire à la surface pleine de reliefs, Ruth Rosenthal accueille le public sans un sourire. On s’installe de part et d’autre du plateau bi-frontal, sur des sièges sans confort, tandis que l’artiste entame une récitation qui ne s’arrêtera qu’une heure et dix minutes plus tard. Dans une chaleur étouffante causée par les petits chauffages installés au-dessus de nous, on ne peut pas dire que le duo franco-israélien Winter Family cherche le bien-être de son public. « La concentration y sera difficile et pénible comme un très court instant passé dans la zone H2, comme une fin d’après-midi perdue à écouter un interminable cours d’histoire », avertissent Ruth Rosenthal et Xavier Klaine dans leur dossier de presse. Cet avertissement ne figure malheureusement pas dans la feuille de salle du Festival International des Arts de Bordeaux Métropole (FAB), où le spectacle a fait ses premières françaises les 10 et 11 octobre.
En plus de ce dispositif quelque peu éprouvant, rien n’est fait pour permettre la compréhension du sujet abordé par Ruth Rosenthal et Xavier Klaine: soit la réalité de Hébron, la seule ville où des colonies sont installées à l’intérieur d’une agglomération palestinienne. Avec pour centre Shuhada Street. La rue centrale de la zone H2 – nom de l’espace administré par Israël dans Hébron, qui selon la terminologie de l’armée israélienne a été « stérilisée » dont le tracé coupe en deux la table installée au centre du plateau. Elle devient le support d’une maquette de la ville que Ruth Rosenthal complète au fur et à mesure de la pièce dans une sorte de jeu de lego sans joie. Avec même une certaine hystérie à peine contenue.
Dans la bouche de Ruth Rosenthal, des témoignages qu’elle a récoltés sur place avec Xavier Klaine se bousculent. Il y a d’abord un guide, qui organise des visites de la zone H2 pour touristes de guerre, journalistes touristes de guerre ou autres curieux. Puis ce sont les paroles d’habitants palestiniens, de militaires israéliens, de colons juifs ou encore d’activistes qu’elle débite à grande vitesse. Sans présentation des uns et des autres ni transition. Quasiment sans souffler. Plus qu’un cours d’histoire, H2 – Hebron est une litanie. Une suite de phrases crachées comme pour s’en débarrasser, sans l’adresse nécessaire au partage d’une information. À la réflexion. H2 – Hebron est un cri. Mais un cri qui ne désigne rien d’autre que lui-même, et qui demeure donc sans écho.
Si l’on devine le long travail de terrain mené par Ruth Rosenthal et Xavier Klaine pour rassembler tous les témoignages qui forment l’unique matière dramaturgique du spectacle, on regrette qu’il ne documente rien. Qu’il ne porte aucun récit, contrairement à Jérusalem Plomb Durci – Voyage halluciné dans une dictature émotionnelle (2011), la première création de Winter Family, où le duo tentait de décrire de l’intérieur, à travers l’expérience personnelle de Ruth Rosenthal, la manière dont le régime israélien enferme la population juive dans un délire émotionnel, mémoriel et patriotique macabre. Nous attendrons la prochaine saison de Winter Family.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
H2 – Hebron
Conception, recherches, entretiens, mise en scène, scénographie : Ruth Rosenthal et Xavier Klaine
Avec : Ruth Rosenthal
Création lumières et régie générale : Julienne Rochereau
Vidéo : Oliver Perola
Modélisation et maquette : Quentin Brichet
Impression maquette : Made it – impression 3D – Genève
Ingénieur son : Sébastien Tondo, Anne Laurin
Enregistrements, diffusion : Xavier Klaine
Collaboration artistique : Yael Perlman, Jérôme Vernez, Eric Fesneau
Traduction version anglaise : Tamar Liza CohenProduction : Winter Family
En coproduction avec le Vooruit-Gand, le théâtre Nanterre-Amandiers, la MC93 Bobigny, le théâtre Vidy-Lausanne, le TNB de Rennes, le centre culturel ABC-La Chaux-de-Fonds
avec l’aide à la création de la DRAC Île-de-France et le soutien de la Fonderie, Le MansDurée : 1h10
CDN La Commune Aubervillier
27 et 28 septembre 2024
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