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« La Corde » : assassinat chez les bourgeois

A voir, Les critiques, Paris, Théâtre
Guy-Pierre Couleau crée La Corde, d'après Rope de Patrick Hamilton
Guy-Pierre Couleau crée La Corde, d'après Rope de Patrick Hamilton

Photo Bertrand Exertier

Comédie policière britannique, La Corde est ici adaptée à la société française des années 1950 avec une distribution aux petits oignons. La mise en scène de Guy-Pierre Couleau rend grâce à la mécanique imparable et machiavélique qui régit ce thriller aussi réjouissant que glaçant.

À l’origine, il y a la pièce de Patrick Hamilton, Rope, publiée en 1929, rendue célèbre par la version cinématographique qu’en fit Alfred Hitchcock en 1948. Un huis clos suffocant un peu loin dans notre mémoire cinéphile, dont on craignait l’aspect daté et la pertinence à en reprendre aujourd’hui l’intrigue. Et si l’entrée en matière de la pièce nous apparaît un brin guindée, un peu empêtrée dans un texte très écrit, cette première impression disparaît très rapidement pour nous mettre dans un état de tension qui ne nous quittera pas jusqu’au dénouement. Car l’adaptation qu’en font Lilou Fogli et Julien Lambroschini en ravive les enjeux, déplace le contexte dans les années 1950, lui apporte quelques touches d’humour en contrepoint des débats tranchants qui en animent les dialogues à vif.

La pièce débute par un meurtre. Abject et sans motif. Deux affreux bien sous tous rapports, appartenant à cette jeunesse dorée qui n’a rien à se reprocher et jouit de sa condition avec un sentiment de supériorité qui vire à l’impunité, décident d’assassiner un ancien camarade de promotion dont les valeurs humanistes l’ont mené à des choix de vie radicalement opposés, altruistes et engagés. Alors qu’il s’apprête à déménager en Suisse pour affaires, notre couple carriériste et arrogant prétexte un petit banquet d’adieu pour inviter leur cible. Le crime est prémédité, tuer l’innocent s’avère un jeu d’enfant, un préambule aux festivités, et nos deux assassins poussent la perversité encore plus loin en couronnant leur acte par un banquet littéralement sur le dos du mort.

Dans un décor soigné (belle réalisation de Delphine Brouard), aussi élégant que le sont les costumes seyants des interprètes, où les teintes automnales s’harmonisent avec goût, les rideaux qui en définissent les contours sont aussi cossus qu’étouffants et encerclent les protagonistes dans un piège irrespirable. Le cadavre sera caché dans le coffre qui sert de buffet à cette petite fête de départ dont l’improvisation n’est qu’apparente. Car, ici, tout est théâtre, mise en scène ; tout a été anticipé et réglé comme du papier à musique jusqu’à ce que la partition dérape et échappe au contrôle de ses infâmes maîtres de cérémonie. La pièce est d’une immoralité crasse en ce qu’elle place le public dans la connivence avec les criminels. Nous sommes en effet les premiers complices de ce meurtre froid et sans affect et de la duperie qui s’en suit. La victime n’avait d’autre tort que d’être un homme bon, donc faible, donc méprisable, selon leur système de valeurs qui ne semble pas avoir intégré les notions de bien et de mal. En invitant leur ancien professeur de philosophie, Louis, le plus machiavélique des deux, immisce un danger potentiel à leur mauvais tour.

Les convives sont les dindons d’une farce noire et glaçante, incarnés avec une justesse de tous les instants par des comédiens et comédiennes remarquables. Myriam Boyer est la mère du pire, de ce garnement qu’elle vénère aveuglément, elle-même odieuse et pétrie de préjugés, emmitouflée dans sa bourgeoisie hautaine. Un personnage qui en rappelle d’autres joués par l’actrice, qui excelle dans les rôles de vieilles femmes indignes et méchantes. Drôle à souhait, irritante à la perfection, elle tient son rang avec un panache de garce que l’on adore détester. Lucie Boujenah, dans le rôle de la veuve qui s’ignore, est merveilleuse de candeur amoureuse et d’audace, capable de tenir tête à ses hôtes et de se prendre au jeu de la soirée sans arrière-pensées. Martin Karmann, en voisin serrurier bonhomme et candide, est attachant au possible. D’abord mal à l’aise, il trouvera sa place dans ce petit microcosme mal assorti sans pour autant perdre sa gentillesse. Quant à Grégori Derangère en sage professeur, bon observateur et fin penseur, il est à la hauteur de son personnage clef qui élève la discussion à coups de références philosophiques à propos. Toutes et tous constituent cet assortiment d’humanité gravitant autour d’un duo machiavélique qui a tout manigancé. En ce sens, Audran Cattin, svelte et tonique, comme dansant sur des charbons ardents, virevolte au milieu de son œuvre, aussi satisfait et gonflé d’orgueil que son compagnon, interprété par Thomas Ribière, est nerveux, suant à grosses gouttes sa mauvaise conscience. Tous deux forment un binôme à la fois soudé et antithétique que le jeu des comédiens porte à son plus haut point de bravoure.

À la mise en scène, Guy-Pierre Couleau orchestre ce jeu de massacre avec tact et sens du rythme. Tout est pesé, dosé, chorégraphié à la virgule près, juste et ciselé, animé d’un souffle et d’une urgence qui donne du corps à cette pièce purement dialogique. On est littéralement tenu en haleine, suspendu à la moindre réplique autant qu’au moindre geste, comme rarement on l’a été au théâtre. La Corde obéit à une mécanique infernale, à un engrenage qui joue avec nos nerfs et, petit à petit, fait tomber les masques. C’est une véritable machine de théâtre qui met en abyme la dissimulation dans un jeu de rôles qui, plus que jouer avec le feu, l’attise et résonne étonnamment avec des enjeux de classe et de mépris social, d’ivresse du pouvoir et de perversité maquillée de bienséance encore bien d’actualité.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

La Corde
d’après Rope de Patrick Hamilton
Adaptation Lilou Fogli, Julien Lambroschini
Mise en scène Guy-Pierre Couleau
Avec Myriam Boyer, Lucie Boujenah, Audran Cattin, Grégori Derangère, Martin Karmann, Thomas Ribière
Assistante mise en scène Anne Poirier-Busson
Scénographie et accessoires Delphine Brouard
Création lumières Laurent Scheegans
Musique et son David Parienti

Durée : 1h30

Studio Marigny, Paris
à partir du 24 septembre 2025

7 octobre 2025/par Marie Plantin
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