Oublié depuis un siècle, Le Timbre d’argent de Camille Saint-Saëns renaît à l’Opéra Comique dans une mise en scène aussi bien festive que crépusculaire signée Guillaume Vincent. Le drame lyrique se voit dynamisé par la présence de la danseuse Raphaëlle Delaunay dans le rôle principal, muet.
Bien moins populaire que Samson et Dalila, l’œuvre fut créée la même année, en 1877. Saint-Saëns, jeune compositeur alors, la retravaillera cinquante années durant. François-Xavier Roth s’exalte de la redécouverte d’une partition qui regorge d’univers et d’inspirations multiples. Le Timbre d’argent s’écoute en effet comme un condensé de musiques romantiques et légères. On y reconnaît le lyrisme de Berlioz comme l’entrain d’Offenbach. Malgré de grosses longueurs, l’ouvrage est dense et révèle quelques beaux airs ainsi que des passages orchestraux enlevés. Après Mignon d’Ambroise Thomas ou Lakmé de Léo Delibes à l’Opéra Comique , le chef retrouve le répertoire français du XIXe siècle qu’il défend avec conviction et passion à la tête de son propre ensemble, Les Siècles, jouant sur instruments d’époque. Dans la fosse, une formation étoffée et ciselée se distingue par sa brillance et sa vivacité mais sonne parfois sec, peu rond et peu chaleureux.
Donnant son titre à l’ouvrage, le timbre d’argent n’est autre que cette petite cloche frappée au marteau que l’on trouve entre autres au vaudeville. L’objet est ici fatal puisque s’il promet richesse à son détenteur, il suscite la mort d’anonymes en série autour de lui. Le livret est écrit par Jules Barbier et Michel Carré, les auteurs des Contes d’Hoffmann dont le propos sur la condition de l’artiste maudit et la femme -muse fantasmée n’est pas sans parenté. C’est Raphaëlle Delaunay, danseuse chez Pina Bausch, Alain Platel ou Jérôme Bel, qui s’empare avec gaieté et éclat du rôle sensuel et obsédant de Fiammetta. Côtés solistes, le peintre Conrad interprété par Edgaras Montvidas ne manque pas de charisme mais le chant est assez tendu et incolore. Plus à l’aise et truculent est le Spiridion de Tassis Christoyannis en magicien certes plus bonhomme que diabolique. Les voix de Yu Shao et Jodie Devos sont bien jeunes mais ravissent tout comme celle d’Hélène Guilmette.
Tout juste sorti du triomphal Songes et métamorphoses, Guillaume Vincent se trouve en terrain familier dans l’atmosphère fantastico-onirique de l’opéra. Il place l’œuvre dans un cadre qui n’est pas du tout viennois comme le préconise le texte mais plutôt très parisien, années folles, empreint de music-hall et de prestidigitation. A grands renforts de mouvements de rideaux, de strass, de lamés et de paillettes façon Lido, il donne un aspect de cabaret séduisant mais aussi convenu aux scènes de bal et d’orgie. Le monde de la nuit se déploie dans une douce et presque sage ivresse. Les parties chorales sont les plus réussies – elles bénéficient d’un excellent Chœur Accentus – tandis que les moments plus intimes souffrent d’une direction d’acteurs limitée.
Avec la complicité du Palazzetto Bru Zane, voici donc recréée une œuvre monstre, originale et plaisante, qui fait preuve de qualités mais aussi de limites. Celle-ci sera rejointe par La Nonne Sanglante de Gounod bientôt programmée en ces lieux.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Le Timbre d’Argent
De Camille Saint-Saëns
Direction musicale François-Xavier Roth
Mise en scène Guillaume Vincent
Avec Raphaëlle Delaunay, Edgaras Montvidas, Hélène Guilmette, Tassis Christoyannis, Yu Shao, Jodie Devos
Chœur accentus
Orchestre Les Siècles
Durée : 3hOpéra Comique
9 Juin 2017 20h00
11 Juin 2017 15h00
13 Juin 2017 20h00
15 Juin 2017 20h00
17 Juin 2017 20h00
19 Juin 2017 20h00
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