Ibsen écrit Un ennemi du peuple en 1882 juste après Les Revenants, pièce qui fût accablée par la critique et la bonne société Norvégienne. Il y décrivait la chute morale d’une famille bourgeoise, en dénonçant le mariage comme institution et les secrets de famille, ici ceux liés à des interdits d’ordre sexuel.
De même, à cette époque, nous sommes en pleine crise du capitalisme. Des attentats anarchistes secouent l’Europe en cette fin de siècle, (en cette « fin d’un monde » pour certains) et Un ennemi du peuple doit donc avant tout être pris pour ce qu’il est : un pamphlet contre ses contemporains et la critique de leur immobilisme face à un monde en péril.
Car cette société décrite par Ibsen, c’est la nôtre. C’est un monde qui court à sa perte mais qui par peur de manquer ou de bouger ne peut que constater et devenir spectateur de lui-même ; c’est notre impossibilité générale, même dans un système démocratique, à changer le cours des choses et à nous saisir de problèmes relevant de l’intérêt commun ; c’est le procès et la décrédibilisation du discours des élites intellectuelles, des sachants.
Voilà le sujet de la pièce et de mon adaptation; comprendre et ausculter cette montée du radicalisme et les forces qui la meuvent.
Nous allons donc nous appliquer à suivre tous ces êtres dans leurs espoirs et dans leurs peurs et comprendre les mécanismes de cette radicalité qui va submerger le docteur Stockmann. D’où vient-elle ?
Quels en sont les facteurs ? Comment est-elle attisée ? Etc… Car il s’agît bien ici de comprendre. De regarder en face pour comprendre.
La radicalisation du docteur Stockmann est le fruit d’un processus où nous, société, avons toute notre part.
Il s’agit dès lors d’entendre ce message, de comprendre ces êtres, et de mettre cette histoire sur scène aujourd’hui pour qu’elle nous travaille et nous questionne. Pour «présenter le monde au spectateur et qu’il s’en saisisse » (Brecht). Je souhaite donc donner toute sa part au public et ne pas faire reposer cette pièce sur l’illusion théâtrale. Les comédien.ne.s et les spectateurs seront assis ensemble, en quadri-frontal, comme si la parole et l’action était possible pour tout le monde, comme si une invitation collective était lancée à « prendre part ».
Cet état d’égalité avec les comédien.ne.s (pas d’illusion théâtrale, tous les accessoires à vue etc..) permettra au spectateur de remettre notre actualité et notre vie politique à sa juste place : une histoire qui ne demande qu’à être écrite et qui attend que nous nous en saisissions.
Note d’intention de Guillaume Gras
Une ennemi du peuple
Mise en scène Guillaume Gras
Librement adapté de la pièce
Un ennemi du peuple d’Henrik Ibsen
Avec Ivan Cori, Marie Guignard, Eurialle Livaudais, Bruno Ouzeau, Nicolas Perrochet, Gonzague Van Bevesselès
Lumière Grégoire de Lafond
Production Compagnie À Table !
Soutiens Espace Agnès Sorel, Carreau du Temple, Laboratoires d’Aubervilliers, Anis Gras et les Tréteaux de FranceDurée 1h20
Théâtre de Belleville
Du mardi 8 septembre au mercredi 30 septembre 2020
Mar. 19h, Mer. 21h15, Jeu. 21h15
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