Grand Reporterre initié par le Théâtre du point du jour place l’actualité au cœur du théâtre. Le dispositif mêle artistes et journalistes. Pour ce cinquième épisode, l’autrice journaliste Giula Foïs et l’auteur metteur en scène Etienne Gaudillère se penchent sur l’épineuse question de la dissociation de l’artiste et de l’œuvre. Et leur réponse est claire…
Un.e journaliste, un.e artiste, un sujet d’actualité et une semaine de répétition. Voilà la recette simple de ce cycle de spectacles initié par le Théâtre du Point du Jour à Lyon. Après un opus 4 consacré à l’environnement, ce cinquième épisode s’intéresse à une question qui régulièrement traverse l’actualité : Faut-il séparer l’homme de l’artiste ? On se souvient qu’elle avait résonné et clivé lors de l’attribution du césar à Roman Polanski en 2020, ponctuée par la mémorable sortie d’Adèle Haenel. Et si l’on s’en remet aux auteur.rice de ce spectacle, la réponse est simple : c’est NON.
N’en déplaise à tou.te.s les critiques qui se pincent le nez devant des œuvres qu’ielles jugent trop partisanes, comme si brasser la complexité était l’unique horizon du théâtre, on peut aussi au plateau développer un argumentaire susceptible de clarifier des situations sans que la qualité d’un spectacle n’en pâtisse. « Peut-on séparer l’artiste de son compte en banque ? » lancent ainsi facétieusement les deux compères, ce qui d’entrée situe le débat. En guise d’argumentaire, c’est d’ailleurs plutôt un récit que propose Etienne Gaudillère, l’artiste du duo. Il est associé à Giulia Foïs pour créer ce spectacle. Productrice sur France Inter, qui conçoit et anime l’émission Pas son genre, chaque vendredi sur France Inter. Elle est également l’autrice de Je suis une sur deux où elle révèle qu’elle a été victime d’un viol à l’âge de 23 ans.
A son contact et travaillant à la conception de ce spectacle, Etienne Gaudillère a modifié son point de vue. Il a parcouru un chemin le menant d’une forme de neutralité face à la complexité des questions que soulève l’actualité dans le large spectre des thématiques féministes à une prise de position plus claire et étayée. « Il vous manque les bases » en guise de gimmick rappé conclut le spectacle qui s’apparente donc à une pièce d’apprentissage, comme on le dit couramment d’un roman.
Le temps de répétition est court, Etienne Gaudillère, Giulia Foïs, Jean-Philippe Salério et Marion Aeschlimann jouent donc textes en main. Avec pour fil rouge, le récit de l’auteur-metteur en scène traversant les régulières poussées de fièvre médiatiques (Césars, #Metoothéâtre, Nicolas Hulot, PPDA…) qui l’amènent à réfléchir, à douter et à chercher à se forger des convictions un tant soit peu stables. Car rester neutre dans ces affaires, c’est favoriser un statu quo favorable à la domination masculine, explique Giulia Foïs.
Elle, journaliste engagée dans le combat féministe, joue son rôle, à son bureau, sorte de mentor sachant qui clarifie les situations. On aurait aimé une parole moins verticale, moins descendante. Car s’il ne s’agit pas de refuser d’écouter une journaliste sacrément armée sur la question, l’autorité de cette parole éclairante aurait gagné à être parfois mise en dérision. Il faut dire, de plus, que la thématique est large. Embrasse de nombreux sujets connexes : la cancel culture, le rôle de la justice, la zone grise du consentement… Qui trop embrasse mal étreint dit la doxa populaire. Mais si l’on s’éparpille un peu, tout est lié et on reste scotché en de nombreux moments. L’égrènement d’une liste des artistes impliqués dans des affaires de violences sexuelles ou l’écoute d’une compilation de chansons au contenu plus que douteux, entre autres.
Ce chemin que parcourt le personnage d’Etienne Gaudillère, c’est peut-être celui que parcourra, plus lentement, l’opinion générale. Comme l’homme est lent, souligne Marion Aeschlimann dans un remarquable monologue final. On ne défait pas des systèmes en un tournemain et le découragement n’est jamais loin. Mais si cette forme est peu destinée à tourner, elle aura activé efficacement la réflexion. Avec la série Grand Reporterre, le Théâtre du Point du Jour installe un dispositif simple et original qui réconcilie habilement le théâtre et l’éducation populaire.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Conception et mise en pièce de l’actualité Étienne Gaudillère et Giulia Foïs
Avec Jean-Philippe Salério et Marion Aeschlimann
Régie générale Romain de LagardeProduction Théâtre du Point du Jour • Compagnie des Lumas
Durée : 1h15
Théâtre du Point du Jour
lundi 16 janvier – 20h
Nomade Lycée Saint-Just | 21 Rue des Farges, Lyon 5mardi 17 janvier – 11h
Nomade Lycée Saint-Just | 21 Rue des Farges, Lyon 5
scolaires
mardi 17 janvier – 16h
Nomade Lycée Saint-Just | 21 Rue des Farges, Lyon 5
scolairesmercredi 18 janvier – 20h
Nomade Lycée Branly | 25 Rue de Tourvielle, Lyon 5jeudi 19 janvier – 14h
Nomade Lycée Branly | 25 Rue de Tourvielle, Lyon 5
scolairesvendredi 20 janvier – 20h
Nomade Salle des fêtes de La Garenne | 60 avenue Général Eisenhower, Lyon 5
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