Levin écrit ici l’odyssée vertigineuse et catastrophique du pauvre désir, confronté à toutes ces forces qui le dépassent et l’épuisent : pulsions, rêves, fantasmes, obligation reproductrice, langueur matrimoniale, poids du père, exaspération de toutes les mères, fringants beaux-frères, marieurs intempestifs. Comment peut-il survivre à tant d’embûches ? Yakich et Poupatchée sont deux êtres jeunes, pauvres et laids, et donc seuls et désespérant de trouver partenaire. Un marieur astucieux et deux familles – aussi peu avenantes que scrupuleuses – pensent résoudre l’humaine équation en les accouplant. Mais comment se résigner à son semblable quand tout en vous aspire à la beauté, à autre chose qu’à soi-même ? Comment se contenter de ses faiblesses, de sa propre laideur, de sa solitude ? Levin féconde avec ce texte cruel, cru et capricieux un joyeux monstre théâtral, dont le destin principal est d’éprouver la question amoureuse au fil des rencontres, conquêtes, rejets, abandons, résignations. Si ce n’est que la « laideur » des héros culbute et chavire sans cesse nos attentes quant à ces « heureux » événements. Yakich et Poupatchée est une course-poursuite nocturne, vaine, désespérément circulaire, irrémédiablement provinciale dans une contrée imaginaire, de Platchki en Ploutchki. Les onze protagonistes cherchent incurablement la vie : de mariage en enterrement, d’une gare à l’autre, du bordel au château, pour finir dans un terrain vague ! Tous les êtres de cette fable rêveuse, cocasse, courent hors d’haleine après ou devant le sempiternel impératif : « Croissez et multipliez ! » Hanokh Levin, auteur, mais aussi traducteur, était un fin connaisseur des grandes dramaturgies occidentales, dont celle de Molière. Il ne cesse de questionner concrètement l’écriture dramatique, d’expérimenter de nouveaux mélanges (prose, chansons, cabaret, ballets…). Il façonne une écriture aussi païenne et crue que sentimentale et lyrique, trouvant ses lignées et ses cousinages tant chez Boccace ou Gogol, que chez Fellini ou Philip Roth pour exposer notre humaine gourmandise dans ses métamorphoses bouffonnes, indigestes ou poétiques. Après Yaacobi et Leidental, créé à Angers en 2008, nous allons, en compagnie de Sophie Pérez et Xavier Boussiron, construire cet objet théâtral insolite : un conte contemporain grotesque et féerique où se croisent prostituée fellinienne, princesse muette et éthérée, revenant, baron fantôme… ponctué de chansons, courses et danses, pour réaliser un ouvrage de tendresse qui donne son sens et son humeur à la comique tragédie de l’existence. Frédéric Bélier-Garcia
YAKICH ET POUPATCHÉE
Comédie crue de Hanokh Levin
Editions Théâtrales
Traduction Laurence Sendrowicz
Mise en scène
Frédéric Bélier-Garcia
Scénographie et costumes
Sophie Perez & Xavier Boussiron
Distribution
Evelyne El Garby Klai Touchpiss-Mère
Denis Fouquereau Fossoyeur, Serviteur du palais
Jan Hammenecker Roupatché-Père
Ophélia Kolb Poupatchée Roupatché
Alexis Lameda Waksman Yakich Touchpiss
Ged Marlon Krampon Kruditzer
David Migeot Lifestock (marieur), Trompegleri (Baron)
Christine Pignet Touchpiss-Père, Poutissima
Afra Waldhör Roupatché-Mère
Production Nouveau Théâtre d’Angers
Centre Dramatique National Pays de la Loire
LE QUAI ANGERS
du 12 au 25 novembre 2010
TOURS – Nouvel Olympia – Centre Dramatique Régional
mardi 30 novembre au samedi 4 décembre 2010
LILLE – Théâtre du Nord – Centre dramatique national
vendredi 25 au mercredi 30 mars 2011
SAINT-ETIENNE – Comédie de Saint-Etienne – Centre dramatique national
mardi 5 au vendredi 8 avril 2011
NANTES – Le Grand T
mardi 19 au jeudi 21 avril 2011
PARIS – Nouveau Théâtre de Montreuil – Centre dramatique national
jeudi 28 avril au mardi 10 mai 2011
(relâche mercredi 4 et dimanche 8 mai)
MARSEILLE – Théâtre La Criée – Théâtre National de Marseille
jeudi 19 au samedi 21 mai 2011
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