Le metteur en scène Guillaume Vincent prolonge son exploration des Mille et une Nuits au long d’un pas de deux enjoué qui transmet, autant qu’il célèbre, ces contes éternels.
Alors que tout le monde les attend patiemment, Florence et Moustafa déboulent à la manière de chiens dans un jeu de quilles. Elle en robe de mariée immaculée, lui en costume noir, chemise blanche et avec des lunettes style aviateur vissées sur le nez, ils sont venus saluer les convives de leur mariage qu’ils s’apprêtent à célébrer avec une allégresse forcément communicative. Tapes sur l’épaule, serrages de main, regards complices, les deux stars du jour se réjouissent d’observer que tel ou tel enfant a grandi, de revoir un ami perdu de vue, mais s’étonnent aussi de constater la présence d’anciens amants de l’une ou de l’autre. Avec un enthousiasme débordant et une excitation qui trahit le stress propre à ce genre d’événements, ils invitent bientôt la petite cohorte à se joindre à eux pour des agapes qui aux réjouissances charnelles préfèreront les envolées intellectuelles.
Autour d’une modeste table sans chichis, où trônent une vieille soupière, une carafe, deux verres remplis de vin et une petite bougie, Florence et Moustafa s’adonnent alors à une série de jolies confidences. Avant de s’embrasser et de sceller définitivement leur union, ils semblent vouloir tout se dire, faire la lumière sur le moindre secret de leur passé et raconter toute leur histoire, ou plutôt endosser les récits de vie d’autres qu’eux, ceux contenus dans Les Mille et une Nuits, dont Guillaume Vincent, après son adaptation grand format créée en 2019 au Théâtre de l’Odéon, s’est une nouvelle fois très librement inspiré. Reprenant, notamment, l’Histoire de l’envieux et de l’envié et celle du Kâdi Père-au-pet, Moustafa se glisse dans la peau de cet homme qui fut transformé en singe par un génie furieux, quand Florence campe le rôle de cette jeune épouse qui, pour venger toutes celles qui l’ont précédée, fit croire à un kâdi qu’il était tombé enceint. Et, à chaque fois, y compris dans le dernier conte choral, beaucoup plus grivois, où un homme, pour satisfaire aux exigences de sa femme, demande à un génie d’augmenter la taille de son sexe, il est troublant de voir cet univers venir jusqu’à nous et sa magie opérer.
Porté par une forme sans prétention, qui lui permet de tourner hors-les-murs dans des salles de classe ou des maisons de retraite, le pas de deux orchestré par Guillaume Vincent prouve que les récits des Mille et une Nuits, tels des contes racontés au coin du feu, n’ont besoin que de très peu de choses pour advenir et transporter dans leur monde pas si merveilleux. Sous-tendus par une malice pernicieuse, ils ne transmettent aucune morale en bonne et due forme, mais plutôt des leçons de vie qui restent à méditer, et provoquent bien des sourires dans leur façon de se jouer des femmes et des hommes qu’ils mettent en scène. Loin de les livrer dans un format brut, Guillaume Vincent se les est appropriés, voire les a, croit-on déceler, entremêlés pour les rapprocher encore davantage de notre temps, les mettre à la portée de tous et offrir une partition plus libre à Florence Janas et Mathias Bentahar. Joliment dirigés par le metteur en scène, ils forment un beau duo, empreint d’une réelle complicité et d’un plaisir de jouer et de transmettre qui fait plaisir à voir. À leur contact, les dîwan, kâdi et derviche livrent peu à peu leurs secrets, et deviennent les derniers convives de cette célébration de leurs contes éternels.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Florence & Moustafa
Très librement inspirée des Mille et une Nuits
Mise en scène Guillaume Vincent
Avec Florence Janas, Mathias Bentahar
Scénographie Pierre-Guilhem CosteProduction Cie MidiMinuit
Coproduction Le Parvis – Scène nationale de TarbesLa Cie MidiMinuit est soutenue par la DRAC Ile-de-France – ministère de la Culture au titre de l’aide aux compagnies dramatiques conventionnées.
Durée : 45 minutes
Théâtre 14, Paris
le 16 décembre 2023, puis du 16 au 20 janvier 2024Ville de Servon
le 4 févrierNEST Théâtre, CDN de Thionville
du 2 au 5 avril
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