Comédie grinçante d’une jeune autrice, Adèle Royné, autour de la figure de la mère, cette pièce mêle aux canons de la comédie bourgeoise sur la famille un air nouveau bien d’aujourd’hui. Une découverte pleine de promesses qui entrelace volonté de légèreté, grand sens comique et finesse dramaturgique.
C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures. La trame de Fête des mères n’a en effet rien de bien original. Une réunion familiale – fête des mères et anniversaire maternel conjugué –, le retour à la Lagarce d’un enfant qui s’est éloigné du bercail, et nous voilà lancés dans une comédie qui veut rire et faire rire, dans la maison des retrouvailles, des rivalités au sein d’une fratrie et de l’attachement viscéral à la figure de la Maman. Dans cette perspective, Adèle Royné utilise les vieilles recettes de la comédie. Des personnages fortement caractérisés : Gabriel l’eczémateux tout le temps en contrôle et le petit Ziggy qui, à 25 ans, vit encore avec sa mère ; deux enfants choyés au contraire de l’autre figure centrale de cette pièce, Louise, la fille indigne, interprétée par l’autrice elle-même. Les accompagne l’amoureux de Gabriel, un personnage plus insaisissable qui se plaît à jouer au con, et la supposée petite amie de Ziggy qui a l’âge de sa mère et un sacré penchant pour la bouteille. Tous.te.s sont donc réuni.e.s pour faire sa fête à la figure matricielle, qui, on le comprend vite, n’apparaîtra jamais.
La mise en route de cette comédie est un peu laborieuse. Situations qui patinent ou personnages un peu grossiers font grincer la machine. Mais, dès le début, Adèle Royné, qui interprète avec malice ce personnage de jeune femme, humoriste stand-uppeuse de retour en terres natales, décale les choses et montre qu’elle va jouer avec les codes du genre, autant que dans le genre. Certes, ce ne sera pas la folie débridée d’une Nicole Genovese – on reste dans les clous –, mais un art de donner un éclat bien contemporain à cette confiture à l’ancienne, à l’inscrire dans les références d’aujourd’hui. À ce sujet, l’usage d’un téléphone fixe, avec sa sonnerie stridente et ses conversations mystérieuses, tient la note d’une scénographie aux teintes kitsch. Ici, on s’inscrit dans la tradition autant qu’on s’en moque. On construit une fiction autant qu’on la dénonce. Et l’on sort du vraisemblable pour mieux y retourner. La mire est parfaitement réglée.
Âgée d’une vingtaine d’années, Adèle Royné a écrit ce texte avec Vincent Gardet. Guillaume Vincent et sa compagnie MidiMinuit l’ont accompagnée dans le développement de cette première pièce collective. Jusque-là, elle avait créé deux seules-en-scène – dont le titre du premier nous ravit, L’avis d’Adèle. On trouvera sans nul doute de belles promesses dans sa maîtrise naissante du genre. Car, une fois les gimmicks comiques mis en place et la situation s’emballant, Fête des mères entre dans un crescendo irrésistible. S’y conjuguent la force comique de la troupe portée par un redoutable duo féminin – Adèle Royné et Florence Janas –, une dramaturgie au rythme de plus en plus échevelé et un mélange des ressorts comiques – du jeu de mots (l’un plagié dans le titre de cet article) au burlesque, en passant par l’humour limite et les clins d’œil – des plus réjouissants. Le tout se finit en tourbillon, et comme on navigue dans la teinte mélancolique de l’arrachement à la matrice et des deuils qu’impose la vie, les grincements initiaux auront cédé leur place à une comédie grinçante riche, dense et aboutie.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Fête des mères
Texte Vincent Gardet, Adèle Royné
Mise en scène Adèle Royné
Avec Aubin Hernandez, Florence Janas, Cyril Metzger, Adrien Rouyard, Adèle Royné
Collaboration artistique Guillaume Vincent
Lumières César GodefroyProduction Cie MidiMinuit
Coproduction ACMÉ, Théâtre du Train Bleu
Remerciements Odéon – Théâtre de l’Europe, Théâtre de l’AtelierLa Cie MidiMinuit est soutenue par la DRAC Ile-de-France – Ministère de la Culture au titre de l’aide aux compagnies dramatiques conventionnées.
Durée : 1h10
Théâtre Lepic, Paris
à partir du 29 janvier 2025
du mercredi au samedi à 21h, dimanche à 17h
relâches les lundis et mardis et relâche exceptionnelle le 31 janvier
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