Le Festival TransAmériques (FTA) se termine en ce 8 juin. Martine Dennewald et Jessie Mill ont signé leur deuxième édition sur un mandat de cinq ans. Le public de Montréal a pu découvrir 24 spectacles à parité entre théâtre et danse, entre productions nationales et internationales.
Le postulat des directrices est à l’image du monde : nécessairement évolutif, en prise à des questions changeantes et la nécessité de passer par le prisme du théâtre afin de porter un regard distancié sur la société. Avant de poser ses valises à Montréal, Martine Dennewald dirigeait le Festival Theaterformen entre Hambourg et Braunschweig. Jessie Mill faisait déjà partie de la famille du FTA, puisqu’elle y était conseillère artistique et dramaturge depuis 2014. Le syncrétisme de leurs expériences respectives et la combinaison de leurs carnets d’adresse portés sur toutes les francophonies a façonné leur vision pour le festival. Une vision « qui s’approfondit d’année en année », selon Dennewald.
Parmi les axes de travail de cette édition 2023 : la mise en tension entre spectacles issus des milieux urbains et non-urbains, « à l’image de Qaumma de Vinnie Karetak et Laakkuluk Williamson Bathory qui vient d’Iqaluit au Nunavut », dans le grand nord canadien. Une approche essentielle qui s’ajoute à des axes qui structuraient le FTA avant même leur arrivée, comme les liens Paris – Montréal que les directrices souhaitent conserver, mais elles soulignent : « nous assistons à une résurgence des arts autochtones dans le monde et on veut faire connaître cette réalité en présentant aussi des spectacles extra-Américains, comme nous l’avons fait cette année avec Vástádus eana qui est une création sámie et comme nous le ferons l’an prochain avec une création d’autochtones d’Australie ». À cette nécessaire mise en avant, les directrices affirment aussi que mettre en avant les créateurs autochtones, c’est mettre en lumière toute leur richesse et la diversité de leurs histoires, pas seulement le lien traditionnel ou post-colonial, mais aussi une manière de raconter le monde contemporain. Une approche souvent méconnue, notamment par le public européen : Martine Dennewald assume avoir pris conscience de cet aspect de la création seulement depuis qu’elle est arrivée au Canada.
Montréal et au-delà
Le FTA veut sans cesse chercher à témoigner du monde qui évolue, mais auprès de qui ? La direction souhaite rendre des comptes avant tout à Montréal, « un public fidèle », tout en inscrivant leur approche dans « une circulation globale des arts », selon les mots de Dennewald, à l’heure où les plans de tournée intègrent des questions écologiques. Ainsi, en 2023, le FTA est impliqué financièrement dans la plupart des productions locales présentées, alors que les spectacles internationaux existent souvent depuis plusieurs mois et sont amenés par les équipes chargées de la programmation au public Québécois.
Martine Dennewald admire l’écosystème très collaboratif de ce côté de l’Atlantique : « en Europe, chaque institution dans chaque ville défend ses artistes et attend d’eux qu’ils n’aillent pas travailler avec d’autres organismes proches afin de pouvoir se démarquer. À Montréal, il est possible qu’un artiste fasse des résidences de création dans plusieurs lieux différents et présente son travail dans un autre théâtre ». Et si on l’interroge sur le fait que les compagnies sont forcées de mutualiser au Québec car elles sont bien moins financées qu’en Europe ? Dennewald répond : « peut-être, mais le résultat est là ».
Équilibre écologique
La diffusion reste l’un des objets du FTA. Cette année, ce sont plus de 150 diffuseurs qui se sont rendus à Montréal dans l’espoir de trouver quelque chose à ramener auprès de leur public. Martine Dennewald met encore en avant l’importance de l’écosystème « ils viennent autant pour le FTA que pour le festival OFF, avec lequel on a une très bonne communication, notamment au niveau des heures et des dates, cela afin de pouvoir laisser la possibilité aux diffuseurs de voir encore plus de choses ». La conscience écologique vient aussi structurer les tournées : « on ne va pas envoyer un spectacle à Sao Paulo et à Vienne en un court laps de temps : on essaie que les spectacles que l’on produit intègrent le bilan carbone ».
Celles qui ont succédé à Martin Faucher s’inscrivent en bien des points dans la continuité de leur prédécesseur, en matière de service public, mais aussi pour renforcer le FTA comme un tremplin. Lorsqu’on interroge Martine Dennewald sur l’émergence de nouveaux talents Québécois en France, où le principal représentant de la Belle Province reste Wajdi Mouawad, Dennewald renvoie aux circonstances, mais se veut positive : « on assiste en ce moment à une diversification dans les formes théâtrales Québécoises, comme on peut le voir avec les compagnies L’Eau du bain *ou Posthumains ». De ces créatrices et créateurs, on espère que le contexte sera suffisamment favorable pour les voir traverser l’Atlantique plus souvent – et plus longtemps – dans les années à venir.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
* Le public du FTA a pu découvrir au Théâtre Rouge du Conservatoire deux créations de L’Eau du bain installées non pas à Montréal, mais proches de la capitale nationale, Ottawa.
Cette compagnie rassemble la créatrice lumière Nancy Bussières, le musicien Thomas Sinou et la metteuse en scène et auteure Anne-Marie Ouellet. L’Eau du bain a déjà présenté plusieurs créations au Québec, ailleurs au Canada et plus rarement en Europe, comme Impatience et Le Musée de la famille. Des créations qui laissent une large place aux enfants et aux jeunes sur scène pour faire du théâtre d’aujourd’hui. Dans les spectacles présentés au FTA, White Out et La Chambre des enfants, qui partagent le même dispositif scénographique et lumineux, on a pu voir toute l’étendue du talent de la compagnie qui parvient à créer un parfait équilibre entre son, lumière et jeu scénique. Un théâtre véritablement immersif qui reste d’abord et avant tout une histoire entre des comédiens et un public. – H.V.
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !