L’affiche rouge sang du peintre Ronan Barrot donne le ton de la 71ème édition du Festival d’Avignon, elle sera autant enragée qu’engagée. Parmi les 41 spectacles et 9 sujets à vif, 34 seront des créations et 37 artistes viendront pour la première fois au Festival.
Ce qui n’est pas le cas de celui qui ouvra le bal dans la Cour d’honneur le 6 juillet à 22h. Le japonais Satoshi Miyagi, auteur d’un Mahabharata dans la carrière Boulbon (qui n’est pas utilisée cette année) en 2014 revisite Antigone de Sophocle. Il va inonder la Cour en s’inspirant d’une forme théâtrale de marionnettes puisée en Indonésien qui se déroule sur l’eau. Il n’y aura de théâtre en français dans la Cour cette année puisque les autres spectacles seront de la danse (La Fiesta d’Israel Galvàn, puis un spectacle de lecture musicale autour de Senghor en clôture le 26 juillet avec Angélique Kidjo, Isaach de Bankolé et Manu Dibango).
L’ancienne Garde des Sceaux, Christiane Taubira, sera présente tous les jours autour de midi dans les Jardins Ceccano pour un feuilleton quotidien sur les grands textes de la démocratie dans une mise en espace d’Anne-Laure Liegeois joué par des amateurs, des acteurs et des étudiants du Conservatoire.
Après le Moyen-Orient en 2016, cap vers l’Afrique subsaharienne pour cette édition. Serge Aimé Coulibaly, le chorégraphe d’origine burkinabé présentera Kalakuta Republik qui s’inspire de la musique et de la vie sulfureuse de Fela Kuti, artiste engagé qui, d’une scène-tribune, a dénoncé avec rage la corruption du pouvoir, le sexisme, les inégalités et les multinationales installées au Nigeria. Le Sud-africain Boyzie Cekwana monte The last King of Kakfontein (littéralement « fontaine de caca »), spectacle grinçant sur la désillusion de l’après-Apartheid. Dorothée Munyaneza présentera sa nouvelle création Unwanted. Son travail part du réel pour saisir la mémoire et le corps, individuels et collectifs ; pour porter les voix de ceux qu’on tait ; pour faire entendre les silences et voir les cicatrices de l’Histoire.
Olivier Py n’est pas encore parvenu à la parité dans sa programmation. Les artistes femmes portent 37% des projets du festival. Emma Dante avec Bestie di Scena, Ambra Senatore avec Scena Madre, le Birgit Ensemble formé de Julie Bertin et Jade Herbulot pour raconter les soubresauts de l’Europe, Caroline Guiela Nguyen avec Saïgon ou la Britannique Katie Mitchell qui donnera sa vision féministe de la pièce de Jean Genet « Les Bonnes ». « Il y a l’idée d’une résistance qui passe par les femmes, des femmes en lutte contre le patriarcat, contre une loi qui n’a pas de sens, pour revendiquer plus d’humanité, particulièrement chez les femmes africaines, qui est la région du monde invitée au festival, avec sept spectacles » explique Olivier Py
Parmi les grands noms du théâtre européen, Frank Castorf qui fait ses adieux à la célèbre Volksbühne de Berlin avec un spectacle franco-allemand, Le roman de Monsieur de Molière d’après le Russe Boulgakov avec Jeanne Balibar et Jean-Damien Barbin. Le Belge Guy Cassiers présente deux spectacles, « Le Sec et l’Humide » d’après un récit de Benjamin Littell à propos du fasciste Léon Degrelle et la pièce de la prix Nobel Elfriede Jelinek, Die Schutzbefohlenen. Un texte écrit en réaction à la situation des réfugiés en Europe. Cette création sera chorégraphié par la française Maud Le Pladec.
Robin Renucci va raconter l’enfance dans un spectacle en itinérance. Qu’est-ce qui, dans l’enfance, forge l’aspiration et amène à la création ? Comment, pour reprendre l’expression de Marcel Proust, les « hautes et fines enclaves du passé » surgissent, élèvent et éclairent ? Comment dans la période de lait et d’encre se dessine une vocation ? Ce sont ces questions soutenues par l’art du détail et les observations minutieuses de Proust, Gary, Valéry ou Rimbaud que Robin Renucci souhaite faire entendre. Par la dynamique du rapprochement des œuvres et le dialogue avec le piano de Nicolas Stavy, il invitera le spectateur à rebrousser le chemin de sa mémoire et de ses apprentissages pour explorer l’enfance comme mise à l’œuvre.
Après avoir présenté en 2014 Orlando ou l’impatience, Le Roi Lear en 2015 dans la Cour d’honneur et Prométhée en itinérance l’année dernière, le metteur en scène revient à la Fabrica pour mettre en scène une adaptation de son roman Les Parisiens paru en septembre 2016 aux Éditions Actes Sud. L’histoire d’Aurélien, un jeune provincial qui se lance à l’assaut de la Capitale et du monde du théâtre. On le croise dans les fêtes, dans les salons, dans les lieux gay.
Le chorégraphe Radhouane El Meddeb présentera sa dernière création, Face à la mer, pour que les larmes deviennent des éclats de rire avec des artistes tunisiens venant de différents horizons artistiques (danse, théâtre et musique…) Si la Tunisie est en mutation, a-t-elle fait sa révolution ? A-t-elle complètement tourné sur elle-même pour renaître à nouveau ? Le chorégraphe parti en 1996 pour la France, naturalisé en 2008, ne veut plus être loin des siens, être loin de son histoire. Aujourd’hui, il s’agit avec cette pièce de danse de ne plus regarder la Tunisie en étant de l’autre côté de la rive mais de la chercher, agir et trouver une place quand on est et Français et Tunisien.
Enfin pas de festival d’Avignon sans un marathon théâtral: ce sera « Les Atrides: huit portraits de famille« , mis en scène par l’Italien Antonio Latella. Huit pièces, chacune d’un auteur différent, données à raison de quatre par jour: de quoi nourrir tous les appétits de théâtre.
Le 71ème Festival d’Avignon 2017 se déroulera du jeudi 6 juillet au mercredi 26 juillet 2017. C’est deux jours de plus que durant l’édition 2016 (6-24 juillet). Le Off débutera le lendemain le vendredi 7 juillet et s’achèvera le dimanche 30 juillet 2017. Vous pouvez consulter ici la programmation.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !