Après quelques jours de résidence à l’Hippodrome de Douai, Radhouane El Meddeb y présentait Face à la mer, pour que les larmes deviennent des éclats de rire, sa dernière création programmée au Festival d’Avignon. En menant une équipe de dix artistes, tous tunisiens, le chorégraphe évoque l’actuelle Tunisie, sa révolution et ses aspirations. Il décrit également l’inextinguible appartenance à son pays natal.
Les origines traversent l’œuvre du chorégraphe franco-tunisien avec une bonne dose d’iconoclastie, lorsque, par exemple, il cuisine sur scène un couscous géant (Je danse et je vous en donne à bouffer) ou fait interpréter à une distribution exclusivement masculine la danse du ventre traditionnellement réservée aux femmes (Au Temps où les arabes dansaient) ; preuve de la vénération autant que de la transgression que lui inspire sa culture orientale dont il s’empare avec audace, humour, et sensualité. Parti de Tunisie en 1996 pour s’installer en France, Radhouane El Meddeb décrit un sentiment paradoxal d’appartenance à un pays qu’il a délaissé mais qui ne l’a jamais quitté. Dans la performance, Tunis, 14 janvier 2011, il exprimait sa peine et sa frustration d’avoir vécu à distance la révolution de Jasmin.
Cette manifestation capitale pour les Tunisiens est présente dans ce nouveau spectacle, d’abord par l’évocation d’un corps nerveux et oppressé, montré sous convulsions et dérégulations lors d’un premier solo spectaculaire ; ensuite à travers la danse plus déterminée d’une femme tiraillée, le poing levé, qui dit le besoin de continuer la lutte et de porter l’espoir du peuple engagé.
La pièce est certes empreinte de révolte mais plus encore d’une douce mélancolie. Les interprètes, nombreux mais trop inégalement exploités, apparaissent les uns après les autres sur une scène qui comme d’habitude est basée sur une épuration radicale des moyens, demeurant vaste et profonde comme une mer à traverser, à contempler. Sur une bande qui recouvre l’avant-scène et évoque une plage de sable clair, ils se postent, pieds nus, regardent droit et loin vers l’horizon, s’abandonnent à de doux instants de rêves et d’évasion. Le chant archi-mélodieux de Mohamed Ali Chebil accompagné en live par le pianiste Jihed Khmiri y invite également. Un sentiment serein de fraternité et d’optimisme existe au cours de farandoles viriles à la Christian Rizzo. Les hommes s’adonnent à des chaînes, des rondes proches de danses festives et folkloriques méditerranéennes, leurs pieds martèlent fermement le sol.
Le geste est beau, minimaliste et délicat. Il devra sûrement gagner en ampleur, en clarté, et s’affirmer plus énergiquement lors de sa présentation au Cloître des Carmes en fin de festival d’Avignon. S’il y parvient, il donnera mieux encore à voir la croyance intime et collective des Tunisiens dans le changement et la concrétisation des mutations que leur pays traverse.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Face à la mer, pour que les larmes deviennent des éclats de rire
Conception, dramaturgie, chorégraphie Radhouane El Meddeb
Collaboration artistique Moustapha Ziane
Scénographie Annie Tolleter
Musique Jihed Khmiri
Lumière Xavier Lazarini
Costumes Kenza Ben Ghachem
Avec Sondos Belhassem, Houcem Bouakroucha, Hichem Chebli, Youssef Chouibi, Feteh Khiari, Majd Mastoura, Malek Sebai, Malek Zouaidi
Et Mohamed Ali Chebil (chant), Jihed Khmiri (piano)
Production La Compagnie de SOI
Coproduction Festival d’Avignon, Tandem Sce?ne nationale Arras-Douai, Scène nationale d’Albi, La Villette (Paris), Cité musicale Arsenal de Metz, La Briqueterie Centre de développement chorégraphique du Val-de-Marne, Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine
Avec le soutien de Institut français de Tunis, Groupe Caisse des Dépôts, Institut français – Théâtre Export, Conseil départemental du Val-de-Marne et pour la 71e édition du Festival d’Avignon : Adami, Fondation BNP Paribas
Accueil studio Ballet du Nord Centre chorégraphique national de Roubaix Nord Pas de Calais, Tandem Sce?ne nationale Arras-Douai
durée 1h15Festival d’Avignon 2017
20 21 22 | 24 25 JUILLET
À 22H
CLOÎTRE DES CARMES
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