Avant de quitter en 2017 le Centre Dramatique National de Montpellier, Rodrigo Garcia y a présenté sa dernière création, un témoignage plutôt déjanté d’une envie d’ailleurs et d’un besoin d’asociabilité. Des figures fulgurantes s’y télescopent telles que Evel Knievel, le Macbeth d’Orson Welles, ou bien encore Neronga, un monstre de manga. Toutes sont conduites sur les routes brésiliennes, à Salvador de Bahia, un pays bien connu de l’artiste, où se révèlent les étonnants pouvoirs des mythiques Acarajés…Elle est de retour à Nanterre.
Si, d’emblée, s’imposent les thèmes du conflit et de l’indépendance dans le spectacle, ceux-ci entrent, sans extrapolation exagérée, en écho avec le mandat passionnant mais contesté de Rodrigo Garcia à la tête de l’ex-Théâtre des Treize Vents qui avait été rebaptisé aux insignes nietzschéens le HTH (Humain Trop Humain). Ce changement de nom, entre autres signes absolument volontaristes, indiquait le choix d’une rupture nette, radicale, avec ce qui avait été réalisé auparavant sur la scène de Montpellier.
Ce n’est donc sûrement pas un hasard si la dernière pièce de Rodrigo Garcia met en scène les figures aussi combatives et éperdument libres et dérangeantes que celle du cascadeur américain Evel Knievel dont les envolées comme les chutes en moto demeurent spectaculaires, ou bien celle d’un Orson Welles schizophrène se confondant avec le sanguinolent Macbeth de Shakespeare qui entreprend le génocide du peuple bahianais.
Plutôt barrée, parfois absconse, toujours assumée comme telle, la pièce n’affiche pas de thèmes apparents si ce n’est les habituelles marottes de l’artiste argentin. Sur scène et grand écran, défile un monde enfantin et totalement perverti par le consumérisme vilipendé dans une séquence détonante qui vante les dérisoires créations de glaces gélatineuses aux formes suggestives et pompes funèbres pour nains. Tyrannie, perte de la passion, solitude contemporaine…, la critique sociale ne se tarit pas plus chez Rodrigo Garcia que le corps ne se tait, toujours exultant d’une pièce à l’autre ; ici, celui de jeunes femmes, mi pin-up mi chevalier sur semelles compensées dont l’une finira nue et peinturlurée sous les jets fluorescents d’extincteurs trafiqués. On n’en attendait pas moins de l’artiste qui déploie avec un humour à l’ironie mordante une fiction foutraque et débridée, diablement incandescente.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
EVEL KNIEVEL
CONTRE MACBETH
NA TERRA DO FINADO HUMBERTO
texte, espace scénique et mise en scène de Rodrigo GarcíaLes Amandiers de Nanterre
Du 29/03/19
au 07/04/19
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