Seule en scène éminemment roboratif, Va aimer ! est porté par l’énergie phénoménale de son autrice Eva Rami, la plume aussi déliée que le corps. Au fil d’un récit de vie qui tourne autour de l’éveil à la sexualité, la jeune femme déploie un arsenal de personnages tous plus drôles les uns que les autres. Et emporte l’adhésion autant que l’émotion haut la main !
C’est en l’écrivant qu’on en prend conscience, Va aimer ! est l’anagramme parfait d’Eva Rami. Comme un secret bien gardé qui se cacherait dans son patronyme. Une injonction à l’amour à double tranchant. Découvrir le seule en scène d’Eva Rami entre Noël et le jour de l’An, c’est comme un cadeau de fin d’année, une nouvelle tête qui entre dans notre palmarès des seuls en scène roboratifs, dans notre hit-parade des personnalités à suivre, à la fois interprète admirable et créatrice imparable. Eva Rami est dans la place depuis la création de Vole ! en 2014, son premier solo, suivi de T’es toi ! en 2018. Cet été, le bouche à oreille avignonnais faisait son job tandis qu’elle remplissait la petite salle du Théâtre du Train Bleu. Eva Rami aime les titres brefs en forme d’impératif, surmontés d’un point d’exclamation qui résume à lui tout seul l’incroyable énergie scénique qu’elle dégage. Elle aime les oiseaux et la métaphore qui va avec, celle de l’enfermement ou de l’envol, selon les étapes d’émancipation qu’elle raconte. Avec Va aimer !, elle reprend son avatar Elsa Ravi, double scénique qui lui permet d’entrer en fiction et l’entoure, comme à son habitude, d’une galerie de personnages truculents qu’elle incarne en un tourbillon d’accents, de mimiques et gestuelles qui nous font passer de l’un à l’autre sans que jamais on ne perde le fil de la saga familiale et amicale à l’œuvre sur le plateau dénudé du Théâtre Lepic. Pour décor, rien, si ce n’est un banc qu’elle déplace selon ses besoins scénographiques, un micro lumineux suspendu à jardin, et des jeux de lumière et de fumigène font le reste. L’essentiel est dans l’interprétation de la jeune femme, au max de la maîtrise, de l’engagement physique, de la puissance expressive.
Tout commence dans le noir. Eva arrive du public, lampe torche à la main et déjà, on est dedans, au cœur du sujet, en plein voyage scolaire en une contrée énigmatique qui se dévoile au fur et à mesure. C’est une excursion caverneuse dans l’antre d’un… vagin et nous sommes en plein rêve enfantin cocasse et drolatique. A partir de là, Eva Rami tisse le fil d’une vie, depuis la petite fille qu’on humilie à la récré jusqu’à la jeune femme qui s’installe avec un manipulateur, en passant par l’adolescente face à son premier porno. C’est l’éveil à la sexualité qui est ici le fil rouge sang de ce solo grinçant, aussi hilarant qu’il est glaçant, qui révèle petit à petit comme dans la vie, au fil des rencontres et thérapies, ses monstres tapis. Ses secrets inexprimés. Autour d’elle, les femmes ont la part belle, elles ont la tchatche, la niaque et leur mot à dire sur tout, que ce soit la mère psy, la grand-mère italienne ou les copines solidaires. Mais surtout, ce qui est bluffant dans l’affaire, c’est la façon dont la comédienne surfe sans cesse entre l’humour le plus éclatant et la gravité de son sujet. Car au milieu de ses personnages hauts en couleur au comique irradiant, il y a Elsa, celle qui raconte son histoire au fil d’un chemin de vie ahurissant d’embûches amoureuses et de douleur rentrée. Et Eva Rami n’évite pas le sujet, costaud (mais ne révélons pas tout ici), qui est le nerf de son propos. Son récit est clair, essentiel, éminemment actuel. Loin de l’eau de rose et du romantisme de midinette, il fait de l’amour un tremplin pour évoquer d’où l’on vient, un noeud identitaire, la clef pour se comprendre et se sauver. Il avance en grande intelligence jusqu’à son final bouleversant et régénérant à la fois. Eva Rami a trouvé un style bien à elle, le rire profond. En ce sens, elle peut tout dire. Et sans faire fuir. Ce n’est pas rien.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Va aimer !
de et avec Eva Rami
Regard dramaturgique Camille Boujot
Collaboration artistique Alice Carré, Emmanuel Besnault
Création lumière Luc Khiari
Création musicale Fils de Flûte
Esthétique du mouvement Audrey Vallarino
Collaboration à la création Zoé Gilbert
Costume Aurore Lane
Scénographie Thibault CaligarisProduction Little Bros. Productions
Coproduction Théâtre LepicDurée : 1h30
Vu en décembre 2023 au Théâtre Lepic, Paris
Théâtre de la Pépinière, Paris
à partir du 23 septembre 2024Théâtre Ducourneau, Scène conventionnée Jeunesses, Agen
le 14 novembrePalais de la culture, Puteaux
le 15 novembreLa Saison Sud-Hérault, Cruzy
le 23 novembreThéâtre du Thelle, Meru
le 26 novembreCentre Culturel Jean-Vilar, Champigny-sur-Marne
le 30 novembreThéâtre d’Aurillac, Scène conventionnée
le 5 décembreCentre Loisir et Culture, Le Guilvinec
le 7 décembreEspace Culturel Mendi Zolan, Hendaye
le 14 décembreCasino Grange Delux Théâtres, Le Locle (Suisse)
le 10 janvier 2025Salle du Lignon, Vernier (Suisse)
le 11 janvierL’Aria, Cornebarrieu
le 14 janvierPiano’cktail, Bouguenais
le 23 janvierThéâtre L’Eclat, Pont-Audemer
le 24 janvierMaison de la musique, Nanterre
le 29 janvierThéâtre Le Dôme, Saumur
le 30 janvierThéâtre Louis Jouvet, Rethel
le 4 févrierLa Trame, Saint-Jean-Bonnefonds
le 6 févrierThéâtre Jacques Bodoin, Tournon-sur-Rhône
le 7 févrierCentre Culturel Communal Charlie Chaplin, Vaulx-en-Velin
le 8 févrierCresco, Saint-Mandé
le 6 marsMJC Jacques Tati, Orsay
le 7 marsThéâtre les 3 Pierrots, Saint-Cloud
le 13 marsThéâtre du Cormier, Cormeilles-en-Parisis
le 14 marsLe !POC!, Alfortville
le 22 mars
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