Et nous devînmes infranchissables ! par la compagnie Mata Malam
Prendre un destin singulier comme support à la fable universelle, tel est le propos de “Et nous devînmes infranchissables!”.
Dans cette auto-fiction, je prends des éléments de mon histoire personnelle et ma propre incarnation comme support d’exploration de la condition humaine contemporaine. Le titre même lance un défi ; comme si déjà, ensemble, nous avions franchi ce pas. Il dessine un avenir où l’humain aura raison du chaos dans lequel il est immergé.
Loin de tout déni de réalité, le personnage que j’incarne propose une abolition des frontières : Entre « elle » et moi, comédienne au plateau. Entre réalité immédiate (parole directe au spectateur, invitation immersive parfois) et intuition qui dépasse le cadre. Différents niveaux de langage donc : car certains passages empruntent la langue familière, directe d’une pensée en pleine élaboration, une pensée qui se cherche et cherche le point de départ commun avec les spectateurs.
D’autres passages, au contraire, relèvent d’une grande intimité poétique, qui ne s’encombre pas de vouloir être comprise mais qui prétend aimanter l’autre vers ce qui est au tout-dedans, au tout-profond et qui, par là même, est semblable en chacun dans sa solitude qui parfois devient majestueuse. Qui semble impossible à atteindre mais il raconte le désir farouche qui sous-tend la tentative de célébrer la vie en dépit de tout. Cette femme donc, secouée par un besoin de vivre plus pleinement, se met en route pour comprendre les lois qui l’agissent malgré elle. Elle commence par les premières lois qui l’ont fondée, celles de sa famille et de ses méandres. Elle plonge, consciemment dans un voyage introspectif, organique et émotionnel. Elle est d’accord pour être dérangée dans le but de se transformer et peut-être ainsi de participer à la transformation du monde.
Par une sorte de voie négative, voyant, narrant, revivant le chemin de ses illusions (la drogue, les schémas d’amour abusif, le flirt schizophrénique), elle traverse le fleuve du chaos, le sien mais aussi celui dans lequel le monde est absolument plongé (avidité, exclusion, fatuité, mépris de l’humain, souveraineté du profit, du pouvoir). Mise en abîme du micro et du macrocosme, elle plonge au fond du monde pour en remonter, jusqu’à l’aube, l’humain sur son dos, et accéder à une joie liée à la majesté de la vie, lorsque la vérité, la lucidité ne sont pas refusées.
Car au delà du constat, cette femme se fait et nous fait une proposition d’engagement ; sa musculature psychique est vigoureuse et génératrice de «pleine-vie ».
« La maison est en flammes.
La neige ne tombe plus.
L’enfant est dans la grotte, figé.
Le cœur est sous scellée »
« …Je serai infidèle à mes peurs. Je bafoue la contingence. Quitter nos habitudes et nos désirs anciens. Lorsque nous quittons tout, qui est alors le guide? » Dénoncer les horreurs, lister les causes, relier les 1000 et 1 couleurs des 1000 et 1 colères… Mais accepter de poétiser le monde.
“ Et nous devînmes infranchissables ! ” a pour ambition de parler de la nuit des origines, des fractales, et des traces indélébiles de l’enfance, des maîtres de guerre et des lois qui transcendent. Conçue comme le montage d’un film, la dramaturgie téléscope le temps du réel. A la fois joyeux et dur, le propos se concentre sur ce qui fait la substance d’un être humain en quête de sens qui prend son expérience personnelle de vie sur la terre comme base d’exploration du réel. Le parallèle entre le dedans et le dehors, le parcours individuel et l’évolution de notre monde contemporain, sera facteur d’une expérience, d’un plongeon introspectif, auquel, par contagion, le spectateur est invité. Face à la surproduction, à la croissance imposée, aux rythmes de vie“ hors-sol”, nous faisons un pas de côté pour entrer dans des marges moins fréquentées…
Valentine Cohen, Autrice
Et nous devînmes infranchissables !
par la compagnie Mata MalamDu 07/07/2021 au 30/07/2021
Au théâtre des Vents, Avignon
Off 2021
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