Avec Ersatz, le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette, ouvre un focus consacré au metteur en scène, scénographe et interprète Julien Mellano. Seul sur le plateau, il interroge avec humour et bricolage l’avenir de l’homme à l’ère de la techno-science.
Assis derrière une table faite de cubes lumineux, éclairé par des lampes du même acabit, Julien Mellano affiche un air à la fois appliqué et surpris. Une maturité doublée d’enfance. Amplifiés par un dispositif sonore invisible, chacun de ses gestes semble l’étonner. Sa mâchoire grince à faire frissonner toute la salle. Ses membres craquent et ses yeux clignent. Est-il un scientifique ? Un cobaye ? Un homme ou une machine ? Ersatz s’ouvre sous le signe du doute. Si le titre offre une piste – en allemand, « ersatz » signifie produit de remplacement, sujet dénaturé peu convaincant –, ce sont les manipulations réalisées par l’artiste du collectif Aïe Aïe Aïe qui éclairent peu à peu la nature du personnage. Sa position dans le temps et son degré d’humanité.
Sans bouger, sans prononcer le moindre mot, entre un fémur posé à sa droite et des objets noirs et géométriques de l’autre côté, Julien Mellano entame une série d’actions qui lui semblent dictées par une autorité supérieure. Il assemble les objets noirs en un masque qui le fait voyager dans un autre monde, fait d’un carton un ordinateur auquel il branche un cerveau en cordes, avant de le transformer en des lunettes de réalité virtuelle… Alors que les utilisations des nouvelles technologies sur scène se multiplient, Ersatz questionne l’avenir de l’homme avec des matériaux simples, bricolés avec une inventivité et un humour réjouissants.
D’expérience en expérience, Julien Mellano révèle le transhumanisme du drôle de bonhomme qu’il incarne. Comme la danseuse et chorégraphe Kaori Ito dans l’excellent Robot, l’amour éternel créé en janvier 2018 et présenté entre autres en ouverture du festival MARTO !, il se place légèrement en marge du présent et de l’humain tel qu’on les connaît pour mieux les donner à voir. Pour dire leur beauté et leur fragilité, sans toutefois verser dans le didactique ni dans l’anti-technologisme primaire qui guette toute œuvre consacrée au sujet. Au carrefour du mime, du théâtre de l’absurde et des arts plastiques, Julien Mellano met l’objet au service d’une dystopie qui rit d’elle-même. Tout en posant de très sérieuses questions sur l’avenir de l’homme et de ses représentations.
Avec son dispositif élégant et minimaliste, Ersatz interroge en effet la capacité de l’artiste d’aujourd’hui à créer de nouveaux mythes. Entre les machines qui le contraignent et qui l’habitent, et l’animalité qu’il finit par retrouver, le transhumain de Julien Mellano fait une traversée muette des différentes réalités éprouvées par l’Homme au cours de l’Histoire et des récits créés en conséquence. La question reste en suspens. Une chose est sûre : le théâtre d’objets est un passionnant laboratoire de d’observation – et même, en l’occurrence, de dissection – de l’humain. Affaire à suivre avec Fulmine[i] de de Charlotte Blin dans une scénographie de Julien Mellano, et Nosferatu[ii] co-mis en scène avec Denis Athimon du Bob Théâtre.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
[i] Au Théâtre Dunois du 4 au 15 avril 2018
[ii] Au Mouffetard du 10 au 13 avril 2018
Ersatz
Conception, mise en scène et interprétation : Julien Mellano
Regard extérieur : Etienne Manceau
Lumière et régie : Sébastien Thomas
Production : Collectif AÏE AÏE AÏE
Coproduction : Onze, biennale de la marionnette et des formes manipulées – SN du Sud Aquitain (33) • Résidences : Au bout du Plongeoir – Site d’expérimentation artistique de Tizé (71) ; Le Volume – Centre culturel de Vern-sur-Seiche (35) ; Le Pôle Sud – Centre culturel de Chartres de Bretagne (35) ; Le Théâtre – SC de Laval (53)
Soutiens : Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette (Paris 5e) ; Théâtre de Poche – Hédé (35).Le Mouffetard
Du 28 mars au 8 avril 2018Le Volume (Vern-sur-Seiche, 35)
Le 25 mai 2018
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