Récompensé dans des festivals internationaux de renom, le Dire Dawa Circus inculque aux jeunes éthiopiens discipline et travail, dans la deuxième ville du pays.
Projeté en l’air par les pieds d’un partenaire, un garçonnet pirouette, pendant que, dans un cerceau, un acrobate traverse en tournoyant la salle aux murs défraîchis. Bienvenue au Cirque de Dire Dawa, en Ethiopie. Le plus jeune de ses quelque 35 artistes, en herbe ou confirmés, est âgé de 5 ans, les plus vieux en ont 20, explique Endale Haile, directeur artistique du Dire D‘awa Circus, qu’il a cofondé en 1997. Pendant que des jeunes contorsionnistes s’entrainent et que virevoltent les gourdins d’un jongleur, un gamin retente inlassablement le saut périlleux qui doit le faire atterrir trois mètres plus haut, debout sur les épaules d’un de ses camarades, lui-même perché sur celles de deux autres, plus costauds.
Plus loin, une demi-douzaine de cerceaux vont et viennent en tournoyant entre les mains de Nardos Awilitu, 18 ans et celles de sa complice. « J’ai commencé le cirque à 7 ans » raconte la jeune femme. « Ca nous aide à avoir une bonne conduite et à mieux travailler à l’école. En général, ça aide pour tout dans la vie ». Et puis « on s’aime et on fait attention les uns aux autres. Nous sommes très unis ».
Autrefois carrefour économique et deuxième ville d’Ethiopie derrière Addis Abeba, la ville de Dire Dawa est dans une phase de déclin, tout comme le chemin de fer vétuste qui l’a vue naître il y a 120 ans. Et elle est n’offre que peu d’activités d’avenir. « A Dire Dawa, le sport le plus populaire est le football. Il y a des terrains grillagés, mais peu de lieux de loisirs. Le cirque est essentiel et attire de nombreux jeunes » explique Endale Haile. « Nous les aidons à ne pas passer leur temps à se droguer » en leur « enseignant la discipline via la gymnastique ».
Des prix internationaux
Gratuit, le cirque n’a pas de peine à recruter: « Le nombre d’enfants qui veulent s’entraîner est au-delà de nos capacités », poursuit Endale Haile. « On tourne à l’étranger et nos jeunes améliorent leur vie avec l’argent » des cachets, explique-t-il: « Quand les autres familles voient cela, elles demandent à inscrire leurs enfants ».
A 24 ans dont 16 d’ancienneté, Abduldefar Rameto, acrobate « main-à-main » après avoir pratiqué plusieurs disciplines circassiennes et la gymnastique de haut niveau, est l’un des doyens qui vivent de cette activité. « Quand les autres gamins jouaient au football, j’étais plus intéressé par l’acrobatie », raconte-t-il, juste après avoir traversé la salle jambes en l’air et tête en bas posée sur celle de son partenaire Ekariya. Mais le chemin est laborieux : « La discipline est le plus important. Vous pouvez être très doué, mais sans discipline ça ne vaut rien. La deuxième chose, c’est de travailler dur, il faut au moins trois ans de répétition pour maîtriser un numéro ».
En 2019, le duo main-à-main « Abdurahim & Abele » a raflé sept prix – dont le plus prestigieux – au concours « New Generation » du Festival international du Cirque de Monte-Carlo. Quatre ans avant, dans la même discipline, celui de « Remedan & Biniyam » avait ramené une médaille de bronze du 36e Festival du Cirque de demain à Paris.
Les tournées internationales procurent au Dire Dawa Circus ses seules ressources et le succès ne l’empêche pas de manquer de moyens. « Ce local nous est fourni par les autorités locales qui nous donnent aussi du matériel, mais nous n’avons pas de budget régulier » , souligne Endale Endale. « Nous avons besoin de matériel qu’on trouve à l’étranger, donc cher. On ne peut se le permettre », dit-il, montrant des tapis éventrés, crachant leur garniture: « Ils nous ont été donnés (…) quand le cirque a été créé, ils sont abîmés (…) mais on ne peut pas s’en procurer de nouveaux ».
© Par Aymeric Vincent – photo Amanuel Sileshi Agence France-Presse
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