Trois metteurs en scène à la baguette Marcel Bozonnet, Jean Lambert-Wild et Lorenzo Malguerra pour une version éclairante de l’œuvre de Beckett créée à la Comédie de Caen. Une pièce sur l’errance, la cruauté humaine et l’attente d’un paradis inatteignable. On pense à ces millions de personnes déracinées sur la planète, candidats volontaires ou forcés à l’exil.
« Peux-t-on savoir où monsieur a passé la nuit ? Dans un fossé « . C’est l’un des premiers dialogues entre Estragon et Vladimir, les deux hommes errants qui passent leur temps à attendre Godot. Les rôles sont tenus par deux acteurs ivoiriens Fargasss Assandé et Michel Bohiri. Deux acteurs en exil pour cette création qui place la pièce de Beckett au centre des questionnements du monde contemporain. Et les compagnons de Michel Bohiri ont bien failli l’attendre longtemps, coincé en Côte d’Ivoire, privé d’un visa qui a retardé les répétitions. Il se dégage une belle humanité dans leur jeu, simple, émaillé de très belles trouvailles poétiques de mise en scène, comme ce chapeau qui s’allume comme pas magie. Ils jouent plein feux, puis la lumière se recadre sur la scène lors de la l’arrivée de Pozzo et Lucky. Les deux co-metteurs en scène Marcel Bozonnet et Jean Lambert-Wild entrent en piste. Pozzo traîne Lucky au bout d’une corde. Lucky (Jean Lambert-Wild) est le porteur de valises, l’esclave, le clown blanc. « Il porte comme un porc » dit Pozzo (Marcel Bozonnet). Dominé, Pozzo lui assène des coups de pieds. Il danse, il pleure, il pense.
Marcel Bozonnet, Jean Lambert-Wild et Lorenzo Malguerra mettent à jour la cruauté du texte de Beckett, une pièce où l’oppression est perceptible. Cette mise en scène résonne de toutes les tragédies humaines qui hantent la planète. On ne peut s’empêcher en regardant Estragon et Vladimir de penser à tous ces candidats africains à l’exil, à la recherche d’un paradis. Les deux hommes pour patienter et en attendant Godot – qui pourrait être leur passeur – s’inventent un monde.
Même si la pièce connaît un petit coup de mou au début de la deuxième partie – on perçoit moins de flamme sur scène, on est touché par le jeu de ces deux acteurs ivoiriens, par la beauté de leur phrasé. Ils sont portés par l’énergie de Marcel Bozonnet – excellent et très troublant dans le rôle de Pozzo, et par le jeu tout en retenu de Jean Lambert-Wild, qui fait penser au Baptiste des Enfants du Paradis. Chacun des protagonistes de cette création internationale (Franco-Suisso-Ivoirienne) a mis beaucoup de soi et de son expérience dans ce projet qui va traverser la France pendant de longs mois et qui porte un éclairage renouvelé sur l’œuvre de Beckett.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
EN ATTENDANT GODOT
de Samuel Beckett
Direction Jean Lambert-wild, Lorenzo Malaguerra, Marcel Bozonnet
Avec Fargass Assandé, Marcel Bozonnet, Michel Bohiri, Jean Lambert-wild, Lyn Thibault
Production déléguée Comédie de Caen-Centre Dramatique National de Normandie. Coproduction Les Comédiens voyageurs, la Maison de la Culture d’Amiens, le Théâtre du Crochetan (Suisse), Le Troisième Spectacle (Suisse), Théâtre de L’Union-Centre Dramatique National du Limousin
Durée: 2h10
Création du mardi 18 au vendredi 28 mars 2014 à la Comédie de Caen, Théâtre d’Hérouville
Du 3 au 29 mars 2015 – Théâtre de l’Aquarium-Paris
Le 31 mars 2015 – Théâtre de Chelles
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