Emmanuel Meirieu adapte avec une grande finesse le livre de Svetlana Aleksievitch, La fin de l’homme rouge ou le temps du désenchantement. 500 pages de témoignages pour raconter la Russie après la fin de l’URSS. Le metteur en scène en a choisi sept, qu’il a confié à une distribution exceptionnelle.
Chacun des personnages raconte son URSS sur la scène d’une salle des fêtes délabrée. Les vitres brisées sont recouvertes de draps, les lames du plancher menacent de s’effondrer, des papiers froissés jonchent le sol poussiéreux. Une scénographie magnifique imaginée par le metteur en scène et par Seymour Laval qui galvanise les comédiens, totalement portés par cet environnement. Leur incarnation est exemplaire.
La voix de la grande Catherine Hiegel introduit le spectacle, elle est Svetlana Aleksievitch. La journaliste qui a reçu le Prix Nobel en 2005 rapporte dans son ouvrage des témoignages et les propos désabusés d’ex-Soviétiques. Sans prendre parti. C’est une photographie de la société russe après les changements brutaux subis avec la fin de l’URSS. Le spectacle est à l’image du livre, équilibré. Il renvoie dos à dos le communisme et le capitalisme.
Anouk Grinberg débute le spectacle. Elle est la mère d’Igor ; son fils de 14 ans a mis fin à ses jours. Stéphane Balmino, son meilleur ami, raconte l’arrivée du premier McDonald’s à Moscou, place Pouchkine. « La liberté, ça sent une bonne odeur de saucisse bien grasse » dit-il. « Avant les gens étaient fiers de leur origine ouvrière, maintenant ils sont fiers de leur bronzage ». Evelyne Didi est Anna, née dans un Goulag. Elle a passé les premières années de sa vie dans un orphelinat pendant onze ans. Jérôme Kircher, son fils, militaire, aviateur constate avec désarroi « qu’il y a de nouveau des pauvres et des riches » dans son pays, lui qui a pourtant répondu aux sirènes du capitalisme. Xavier Galais est Alexandre. Il raconte son passage dans l’armée, traumatisé par les brimades. Maud Wyler est Valentina, son mari victime de la catastrophe de Tchernobyl a été défiguré.
C’est le grand André Wilms qui conclut le spectacle. Il est Vassili, un ancien membre du PC. « Une dernière voix solitaire ». « Il n’y a plus personne avec une flamme dans les yeux » dit le comédien toujours aussi émouvant. Remarquable comme toute la distribution, magnifiquement bien dirigée par Emmanuel Meirieu, baignée dans de très belles images projetées sur les murs de cette salle désaffectée qui rappellent l’imagerie de la propagande soviétique. Sans oublier l’énorme travail sur le son de Raphaël Guenot et la musique de Raphaël Chambouvet qui ajoutent à l’angoisse désespérée de ces russes à la recherche de nouveaux repères.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
La fin de l’homme rouge
Création
D’après le roman de Svetlana Alexievitch
Prix Nobel de Littérature 2015
Traduction : Sophie BenechMise en scène et adaptation : Emmanuel Meirieu
Avec :
Stéphane Balmino, Evelyne Didi, Xavier Gallais, Anouk Grinberg, Jérôme Kircher, André Wilms, Maud WylerCollaboration artistique, co-adaptation : Loïc Varraut
Musique : Raphaël Chambouvet
Costumes : Moïra Douguet
Lumières, décor, vidéo : Seymour Laval, Emmanuel Meirieu
Son : Raphaël GuénotProduction : Le Bloc Opératoire / La Criée-Théâtre national de Marseille
Coproduction : Les Gémeaux / Sceaux / Scène nationale, Chateauvallon Scène Nationale, L’Arc Scène Nationale du Creusot, DSN Scène Nationale de Dieppe
Durée: 1h50Les Gémeaux / Sceaux / Scène nationale
Du 08/02/19 au 17/02/19L’Onde – Théâtre Centre d’art
Mardi 19 février 2019 au Mardi 19 février 2019L’Olivier, scène conventionnée, Istres
26.02.2019Le Rayon vert, scène conventionnée, Saint Valéry en Caux
08.03.2019L’Arc, scène nationale, Le Creusot
15.03.2019Espace Diamant, Ajaccio
19.03.2019Théâtre des Bouffes du Nord, Paris
12.09 – 02.10.2019
Deux spectacles d’Emmanuel Meirieu
19h : Les Naufragés
21h : La Fin de l’homme rouge
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