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Le songe crépusculaire d’Emmanuel Demarcy-Mota

Les critiques, Moyen, Paris, Théâtre

Le directeur du Théâtre de la Ville et du festival d’Automne revient à Shakespeare dans une version sombre et ciselée bien qu’inégale du Songe d’une nuit d’été. 

En montant Peine d’amour perdue dès 1998, Emmanuel Demarcy-Mota se plaçait sous l’égide de Shakespeare, déjà traduit à l’époque par François Regnault. Le metteur en scène revient à ses premiers amours avec Le Songe d’une nuit d’été, indémodable classique du maître élisabéthain, appréciée pour ses rebondissements savoureux et ses quiproquos malicieux qui prennent place dans la féerie d’une forêt athénienne où toutes les illusions sont permises. 



Mais ici, pas de rondes fleuries ou de lutins gentils, mais plutôt un crépuscule inquiétant dans une forêt hostile. Le parti-pris est celui de l’exploration des tensions souterraine qui guident les trajectoires amoureuses des jeunes athéniens tentant d’échapper aux volontés paternelles : Hermia en fuite avec son amant Lysandre d’un côté, Héléna tentant de conquérir Démétrius de l’autre. En s’enfonçant dans la forêt, les jeunes gens vont bientôt faire la rencontre de Puck, faune farceur qui, en mission pour le roi des fées, va les ensorceler et mettre la pagaille dans les couples. 


Une lecture réactualisée du Songe qui passe en premier lieu par la langue. La nouvelle traduction de François Regnault interpelle l’oreille qui – habituée à l’historique traduction de François-Victor Hugo – s’étonne d’entendre “draguer”, “mon pote”, “piger” ou encore “trimbaler”. Dans cette nouvelle traduction, les pentamères ïambiques anglais laissent place à un ver libre qui, s’il rime moins que dans la langue de Shakespeare, n’enlève rien de sa poésie. Une fluidité de la langue et des passages raccourcis qui ont le mérite de rendre plus accessible et plus lisible le labyrinthe amoureux qui se joue dans la forêt athénienne. 

Quelque astuces de distribution soulignent également la volonté de remettre au goût du jour la pièce de Shakespeare : le roi Thésée devient ici une reine, interprétée par Marie-France Alvarez, tandis que Hyppolyta, Amazone promise au souverain d’Athènes, devient Hyppolite. Déjà initialement peu bavard, le rôle devient alors ironiquement celui d’un souverain quasiment inutile. Puck, lui est ici exploré dans toute sa multiplicité, pris en charge par trois interprètes bondissants. À la croisée des genres, Puck devient pluriel, à la fois “spectatrice” et “acteur”.

Grand sculpteur d’espaces, Emmanuel Demarcy-Mota, accompagné de Natacha le Guen de Kerneizon à la scénographie, module une forêt inconstante – grâce à de nombreux jeux de panneaux et un travail lumière époustouflant de précision signé Christophe Lemaire – où les arbres se déplacent sans cesse, sous le menace d’un orage et où des fées rodent plus qu’elles ne batifolent. L’enjeu ici n’est plus celui d’une farce champêtre où les personnages sont piégés par un lutin maladroit, mais tient davantage de la malédiction qui s’abat sur les destinées amoureuses, privant au passage la pièce de sa jubilation foutraque et canaille dont elle est dotée. Ici, entre l’amour et la mort, il n’existe que la folie qui trouve une place pour se déployer dans cet espace sauvage hors des murs de la cité, celui de la forêt. C’est l’enjeu que porte notamment Héléna, qui, grâce au tour de force d’Élodie Bouchez tient davantage de la raison altérée par l’illusion que de l’amante éplorée. De même, c’est bien l’ordre du monde qui est menacé par les jalousies d’Obéron, roi des fées : ses querelles avec sa femme Titania altèrent le court des saisons, propagent les maladies, bouscule l’ordre naturel. Au-delà de l’amour, c’est la vie et la mort qui sont ici en jeu.

Le rire est devient alors grinçant face à la détresse de la jeunesse athénienne, en prise avec leur destin. Privé des ressorts comiques des va-et-vient amoureux constants, la troupe du Théâtre de la Ville se débat inégalement avec la recherche intime des fondements sensibles qui agitent leurs personnages. La tension entre le rire implacable de l’écriture de Shakespeare et l’incarnation lugubre de ces destins qui se perdent, atteint inégalement l’ironie : on rit jaune de ce Bottom transformé en âne cauchemardesque qui vient cliqueter de son crâne dégarni et de ses échasses dégingandées, grivois et moribond, quand les scènes des artisans en répétition viennent clairement en lutte contre le texte, atténuées de leurs saveurs par l’inquiétante étrangeté qui plane au dessus des apprentis comédiens. Ce Songe à l’esthétique nocturne parfaitement maîtrisé nous propose une plongée inédite mais inégalement atteinte dans les tensions souterraines, entre illusion et vérité, qui animent non seulement les désirs amoureux, mais bien au delà, le chemin de leur destinée. 

Fanny Imbert – www.sceneweb.fr

Le Songe d’une nuit d’été 

Texte William Shakespeare
Nouvelle traduction François Regnault
Version scénique et mise en scène Emmanuel Demarcy-Mota

Avec
Élodie Bouchez, Sabrina Ouazani, Jauris Casanova, Jackee Toto, Valérie Dashwood, Philippe Demarle, Edouard Eftimakis, Ilona Astoul, Mélissa Polonie, Gérald Maillet, Sandra Faure, Gaëlle Guillou, Ludovic Parfait Goma, Stéphane Krähenbühl, Marie-France Alvarez

Assistante à la mise en scène Julie Peigne, en collaboration avec Judith Gottesman
Scénographie Natacha le Guen de Kerneizon, Emmanuel Demarcy-Mota
Lumières Christophe Lemaire, assisté de Thomas Falinower
Costumes Fanny Brouste, assistée de Véra Boussicot
Musique Arman Méliès
Vidéo Renaud Rubiano, assisté de Romain Tanguy
Son Flavien Gaudon
Maquillage et coiffures Catherine Nicolas, assistée de Elisa Provins
Accessoiristes Erik Jourdil
Coiffes et couronnes Laetitia Mirault
Habilleuse Séverine Gohier
Training acteurs Jean-Pierre Garnier
Training physique Claire Richard, Ludovic Petey
Training chant Vincent Leterme, Maryse Martines

Direction technique : Lionel Spycher
Régie générale : Léo Garnier, Alexandre Vincent Régie lumière : Sabine Charreire, Bertrand Saillet
Régie scène : Romain Cliquot, Léo Cortesi, Salihina Kebe
Régie son : Lucie Béguin, Victor Koeppel, Marie Mouslouhouddine, Loan Tran
Régie vidéo : Vladimir Demoule, Steven Guermyet
Réalisation costumes: Lucile Charvet, Mélisa Léoni, Peggy Sturm, Albane Cheneau
Stagiaire costumes: Apolline Coulon
Habilleur·euse·s: Marion Fanthou, Séverine Gohier, Philippe Serpinet
Accessoiristes: Margot Adolphe, Grégory Guilbert, Marie Grenier, Robert Ortiz
Cintrier·ère·s: Germain Cascales, Elisa Couvert, Mohamed El Asri
Constructeurs: Aladin Jouini, Martin Maniez

Avec la Troupe du Théâtre de la Ville

Durée 1h50

 Théâtre de la Ville – Sarah-Bernard
du 17 janvier au 14 février 2025

21 janvier 2024/par Fanny Imbert
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1 réponse
  1. Paul Parry
    Paul Parry dit :
    19 février 2025 à 4 h 58 min

    Bonsoir
    Je tiens à féliciter toute la troupe pour ce travail phénoménal. Une magique mise en scène. C’est vraiment une belle occasion de découvrir l’œuvre de Shakespeare.

    Répondre

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