Elizabeth Mazev se met dans la peau d’une femme dépressive et alcoolique qui dit son manque d’amour et sa propension à la destruction. Un portrait chargé mais revivifié par son interprète.
Merveilleuse actrice chez Py ou Novarina, Elizabeth Mazev possède cet art formidable de pétrir d’humanité ses personnages, de les irradier avec douceur, fantaisie, profondeur. Et il faut de la lumière et de la vivacité pour interpréter sans la plomber Marthe, l’héroïne de A 90 degrés tant celle-ci broie du noir. La pièce écrite et mise en scène (de manière un peu trop indiquée) par Frédérique Keddari-Devisme est un long soliloque dans lequel la femme fragile décrit son inadaptation au monde, à ses modèles étroits, ses petites cases qui la tétanisent. Vivre, aimer, semble être fait pour les autres. Elle dit vouloir se supprimer, appelle à l’aide, chute et rechute, se relève avec difficulté. Elle s’adresse à un être absent. La silhouette de l’homme qu’elle désire encore – son ancien amant et père de ses enfants – semble se dissimuler sous une couverture rouge qui une fois retirée laisse apercevoir un simple polochon qu’elle sert dans ses bras par substitution. L’amour est au centre de son propos désordonné, pas effectif mais bien ardent.
La scène s’offre au regard comme une niche minuscule et intimiste sous la voûte d’une chapelle construite en pierre claire. Quelques meubles rudimentaires sont disposés dans l’espace exigu qui s’apparente aussi bien à une maison de poupée qu’à une cellule d’asile. Marthe se présente confinée dans des gestes du quotidien et habillée négligemment d’un peignoir qui recouvre son pyjama. Le costume est révélateur d’un laisser-aller, d’une dépréciation de soi auquel s’adonne le personnage seul et perdu.
Elle parle beaucoup, tente de se libérer par les mots et les divagations. Il faut pour la comédienne assumer le caractère peu reluisant du personnage à la marge, dépendante, ne pas juger mais au contraire faire preuve d’empathie, la défendre même un peu. Et au milieu de toute la frustration, du déséquilibre, du mal-être véhiculé, quelques beaux moments d’exaltations apportent une nécessaire respiration à un propos qui est lourd. Marthe rêve d’échappées belles et en se rappelant quelques beaux souvenirs d’une autre vie plus joyeuse, elle redonne des couleurs à sa vie pâle, enfile une robe écarlate et des souliers du même ton éclatant. De quoi revivifier la peinture de cette vie douloureuse.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
À 90 degrés de Frédérique Keddari-Devisme
Mise en scène : Frédérique Keddari-Devisme
Avec Elizabeth Mazev
Lumières : Joël Adam
Coproduction Nuage Citron, L’ARIA Corse
Avec le soutien des Tréteaux de France, Centre dramatique national
Durée: 1h10Les Déchargeurs
du 4 sep 2018 au 22 sep 2018
Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi
à 21h30
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