Au Centre Pompidou puis à la Commune d’Aubervilliers, dans le cadre du festival d’Automne, Jérôme Bel rend un succinct mais délicat hommage à Isadora Duncan, figure innovante et émancipatrice de l’histoire de la danse.
Isadora Duncan donne tout simplement son titre à la proposition de Jérôme Bel. Celle-ci s’inscrit dans la série de portraits qui émaillent sa carrière depuis Véronique Doisneau à l’Opéra national de Paris, suivie d’opus consacrés à Pichet Klunchun, Lutz Förster, ou Cédric Andrieux, autant de pièces dansées qui voisinent avec le théâtre documentaire et qui ne ressemblent – bien évidemment – pas à des spectacles au sens traditionnel du terme. Ce sont de singulières performances qui se présentent toutes dans leur plus simple appareil (aucun autre décor que celui d’un plateau nu) et qui ont vocation d’interroger l’étroit lien qui unit un interprète à sa pratique artistique.
Après avoir lu, un peu par hasard dit-il, les mémoires d’Isadora Duncan intitulées Ma vie, Jérôme Bel a eu envie de porter son art au plateau. Pour ce faire, il s’improvise piètre conférencier. Seul derrière une table et son ordinateur, il narre laborieusement, nonchalamment, neurasthéniquement, quelques éléments biographiques retenus. Ce semblant d’impréparation est-il voulu ? Il fait sourire, il agace aussi. Mais là n’est pas l’intérêt de sa proposition. Il réside dans la présence magnétique d’Elisabeth Schwartz, 69 ans, spécialiste du geste duncanien et soucieuse de sa transmission depuis 40 ans, qui livre une démonstration brillante, éloquente, du geste chorégraphique en s’offrant comme une exécutante gracile et gracieuse d’un art qu’elle vit, respire dans chacun de ses gestes et des émotions qui les accompagnent.
De la chorégraphe américaine née en 1877 et morte en 1927, à l’âge de 50 ans seulement, la pièce retient le caractère novateur et visionnaire. Celle qui autrefois rejetait l’académisme du ballet qu’elle trouvait « laid » et « contre-nature, pour écrire un nouveau langage posant, à bien des égards, les pierres fondatrices de la danse moderne, ne pouvait que séduire et interpeller Jérôme Bel, lui-même n’aimant rien tant que casser ou au moins contrecarrer les codes et proposer une redéfinition forcément personnelle et volontiers iconoclaste de la danse.
Jérôme Bel met en lumière une personnalité extravagante dotée d’une créativité formelle et d’une liberté totale dans son expression artistique. Inspirée dans sa jeunesse par les poses des figures féminines issues de l’antiquité grecque et par la contemplation active des mouvements de la nature notamment marine, sa danse repose sur une libéralisation du corps féminin. Exit le tutu et le corset, cela fit scandale!, au profit d’une tunique ample et légère nouée à la taille qui dévoile les jambes et les pieds nus. Tout est mouvement, légèreté et sensualité, bonds et ondulations dans la danse duncanienne. En témoignent cinq solos sur des musique de Schubert, Chopin, Scriabine, répétés plusieurs fois par souci, sans doute excessif, de pédagogie. Bel dépose sur les pas de l’interprète les mots inspirants qui les dictent : désir, ouverture au monde, acceptation, combat… Ces pièces très courtes sont bien sûr imprégnées des audaces stylistiques de la chorégraphe, des drames personnellement qu’elle a vécus comme de ses aspirations révolutionnaires.
La pièce créée cet été au festival Tanz im August à Berlin tournera en Europe tandis qu’une autre version est simultanément produite aux Etats-Unis avec une autre danseuse duncanienne, Catherine Gallant. Les répétitions se sont déroulées par Skype, puisque Jérôme Bel renonce à tout déplacement en avion pour des raisons écologiques.
Isadora Duncan
Concept, Jérôme Bel
Chorégraphie, Isadora Duncan
Avec Elisabeth Schwartz
Assistante, Chiara Gallerani
Conseil artistique et direction exécutive de R.B. Jérôme Bel, Rebecca Lasselin
Administration, Sandro Grando
Production R.B. Jérôme Bel
Coproduction Tanz im August (Berlin) ; HAU Hebbel am Ufer (Berlin) ; BIT Teatergarasjen (Bergen) ; La Commune centre dramatique national d’Aubervilliers ; Les Spectacles Vivants – Centre Pompidou (Paris) ; Festival d’Automne à Paris
Coréalisation Les Spectacles Vivants – Centre Pompidou (Paris) ; Festival d’Automne à Paris pour les représentations au Centre Pompidou Coréalisation La Commune centre dramatique national d’Aubervilliers ; Festival d’Automne à Paris pour les représentations à La Commune centre dramatique national d’Aubervilliers
Spectacle créé le 16 août 2019 au Deutsches Theater (Berlin) dans le cadre de Tanz im August.
Jérôme Bel est artiste associé à La Commune centre dramatique national d’Aubervilliers.
R.B. Jérôme Bel est conventionné par la DRAC Île-de-France et bénéficie du soutien du ministère de la Culture et de la Communication (Direction Générale de la Création Artistique). Avec le soutien de l’Institut Français – Ministère des Affaires Etrangères – pour ses tournées à l’étranger.
Avec le soutien de l’ONDA – Office National de Diffusion Artistique – pour ses tournées en France
Avec l’aide de : CND Centre national de la danse (Pantin), MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis (Bobigny), Ménagerie de Verre (Paris) dans le cadre de Studiolab pour la mise à disposition de leurs espaces de répétitions.Durée estimée : 1h
Festival d’Automne 2019
Centre Pompidou
3 au 5 OctobreLa Commune centre dramatique national d’Aubervilliers
28 au 30 Novembre
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !