Deuxième mise en scène d’Ivo van Hove à la Comédie-Française, après l’adaptation des Damnés de Visconti en 2016, il compile Electre et Oreste, deux pièces d’Euripide, dont il place l’action dans un champ de boue.
En février 2015, Ivo van Hove avait mis en scène Juliette Binoche dans Antigone de Sophocle, dans une scénographie épurée et très classieuse de Jan Versweyveld. Il revient à la tragédie grecque à travers Euripide en compilant Electre et Oreste dans un spectacle ramassé de deux heures d’une grande limpidité, qui demande aux comédiens de la troupe de la Comédie-Française une extrême agilité. Ils doivent se déplacer (en chaussure à crampons) sur un sol boueux et glissant. Chaque personnage descendant d’une passerelle et tombant les deux pieds dans le piège d’une terre inhospitalière.
Les comédiens de la Comédie-Française sont désormais rompus à toutes les expériences. Ils n’ont plus peur de rien. Suliane Brahim et Christophe Montenez, les deux héros de ces tragédies se jettent à corps perdu dans ce magma. Sœur et frère, ils se retrouvent après leur exil et vengent le meurtre de leur père Agamemnon orchestré par leur mère. Ils commettent le meurtre le plus horrible: le matricide. Christophe Montenez est totalement habité par son rôle, tout comme Loïc Corbery qui incarne son fidèle compagnon Pylade. Les deux comédiens, très souvent maculés de sang, électrisent le plateau. Suliane Brahine, cheveux courts, incarne une Electre rebelle, « l’inverse d’une princesse » dit-elle.
La pièce est rythmée par un quatuor de percussions. La musique d’Eric Sleichim fait plonger la tragédie dans des formes rituelles, orchestrées par des chorégraphies de Wim Vandekeybus qui s’est joint à l’équipe artistique. Les comédiens entrent alors en transe dans une procession qui donne à cette tragédie antique une force tellurique d’une grande intensité. Comme dans Les Damnés, Ivo van Hove met en scène la violence. Chez Visconti, elle était froide, ici elle est plus démonstrative. Le sang des meurtres éclaboussent les corps. Electre et Oreste, enfants rejetés par le pouvoir utilisent les mêmes armes pour parvenir à leur fin. La violence légitime-t-elle la violence ? C’est la question posée par Ivo van Hove. Il s’est appuyé avec son dramaturge Bart Van den Eynde sur les travaux de spécialistes de la radicalisation (Mohammed Hafez et Creighton Mullins) qui estiment que « la marginalisation économique et l’aliénation culturelle » provoquent « un sentiment aigu de victimisation« . Electre et Oreste, atteints de folie se réfugient dans la violence pour sortir de l’enferment idéologique.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Électre / Oreste
de Euripide
Mise en scène Ivo van Hove
Claude Mathieu,
Cécile Brune,
Sylvia Bergé,
Éric Genovese,
Bruno Raffaëlli,
Denis Podalydès,
Elsa Lepoivre,
Loïc Corbery,
Suliane Brahim,
Benjamin Lavernhe,
Didier Sandre,
Christophe Montenez,
Rebecca Marder,
Julie Sicard,
Gaël Kamilindi
Durée: 2hComédie-Française
Salle Richelieu
En alternance
Du 27 avr 2019
au 03 juil 2019En direct dans 200 cinémas depuis la salle Richelieu, le jeudi 23 mai à 20h15
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !