C’est un acteur lui-même auteur, Dieudonné Niangouna, qui porte à la scène le message fracassant du roman de Sony Labou Tansi, « L’État honteux ». Le texte du spectacle créé au Tarmac est adapté à partir de l’édition intégrale du manuscrit, publiée à titre posthume en 2005, sous l’intitulé voulu à l’origine par Tansi : « Machin la Hernie ».
L’histoire est celle d’un faux dictateur appelé « Mon-Colonel Martillimi Lopez, fils de Maman Nationale ». Il est une sorte de pendant congolais du « Charles-V-et-Trois-font-Huit-et-Huit-font-Seize », monarque cruel du « Roi et l’Oiseau » de Paul Grimaud. Autrement dit, Machin la Hernie incarne tous les dictateurs, il est une personnification du despostisme poussé à l’extrême, semant la violence et la haine sous des flots de discours mensongers.
Si l’écriture de Sony Labou Tansi est singulière, ironique, fortement teintée de formules orales et de répétitions fréquentes comme dans les contes, la mise en scène de Jean-Paul Delore en souligne la violence. Le dictateur est extériorisé par la musique fracassante avant le spectacle et dans la dernière partie, des injonctions au mégaphone dans le hall du théâtre et la voix, aussi calme qu’elle verse parfois dans la colère de Niangouna. Assez brutal pour l’ouïe, la brièveté du spectacle le permet. Ce que l’on ne supporterait pas deux heures durant s’accepte dans le bref temps de la performance, un cri se hissant crescendo.
Dieudonné Niangouna est captivant. Il revendique, mâche et recrache l’histoire comme s’il était le Colonel malfaisant, et parfois ses victimes. Derrière ses micros, tel un dirigeant à une tribune internationale, il se pardonne tout, détruit, viole, plonge dans l’horreur son peuple, mais toujours poussé par une bonne raison : sa vérité. Par ses gestes parfois il ordonne, souvent il a une posture spectrale, un mauvais esprit qui ronge tout son peuple. Un Staline, un Mao, un Hérode… Un fou heureux de scier la branche sur laquelle il est assis.
A travers son discours bienveillant on entend la catastrophe dans chaque souffle. Un sentiment d’impuissance vécu du public, car il est impossible d’arrêter cet homme sans foi ni loi, soumis avec jouissance à ses pulsions dominatrices. Cela avec la bienveillance de ceux qu’il flatte par des richesses, les Occidentaux à qui il vend son pays. Des hommes avides qui font le choix de n’entendre que les mots et d’ignorer ce qu’ils cachent. Un peu comme l’histoire de Denis Sassou Nguesso qui plonge actuellement le Congo dans le sang.
Hadrien VOLLE – www.sceneweb.fr
Machin la Hernie
Texte Sony Labou Tansi (Revue Noire Editions)
Mise en scène Jean-Paul Delore
Avec Dieudonné Niangouna
Musique sur scène Alexandre Meyer
Collaboration artistique et costumes Catherine Laval
Régies Bastien Lagier
Artiste invité Sean Hart
Production LZD Lézard Dramatique, Accompagnement La Magnanerie
Coproduction Le Tarmac – La scène internationale francophone, Festival Mantsina sur scène (Brazzaville)
Durée : 1h20
TNG Lyon
Du 15/05/18 au 18/05/18
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