Entre piliers de bar et théâtreux, et pour le plus grand bonheur de tous, les « conférences » philosophiques de Guillaume Clayssen renvoient l’intello au bistro.
Jeudi, les élèves du bac technologique devaient répondre à la question : « est-il toujours injuste de désobéir aux lois ? » Souhaitons-leur d’être passés par la conférence philosophique de Guillaume Clayssen, qui se tenait lundi soir au café le Satellite. En plus du plaisir qu’ils auraient éprouvé à y assister, ils auraient également pu trouver à cette occasion de nombreux éclairages sur le sujet.
En effet, après une mémorable « conférence » sur l’ivresse, menée verre à la main, l’artiste polymorphe – comédien-performeur, réalisateur et philosophe – nous invitait cette année à penser la désobéissance. Il y a deux ans déjà, c’est dans un de ces bars du 12ème arrondissement parisien que notre collaboratrice Anais Héluin transforme en lieux de spectacles à l’occasion de son génial festival Tournée Générale, c’est dans un de ces bars donc que Clayssen avait trouvé en des piliers de comptoir de brillants soutiens pour ses pérégrinations philosophiques. Cette fois, il est venu lui-même accompagné, de l’acrobate Erwan Ferrier qui donne à son entreprise une dimension plus organisée et pas moins spectaculaire.
Nous voilà donc à l’happy hour en terrasse du Satellite sous la tutelle du festival 12/12, à l’angle des rues Tourneux et Édouard Robert, Guillaume Clayssen attrape sans difficulté l’attention d’une clientèle largement venue pour lui et commence à déployer devant elle sa réflexion, sans notes et ouverte à l’improvisation. « C’est une conférence qui n’est pas une conférence qui est une conférence… ». Ainsi définit-il cette leçon joyeuse. « Si nous ne désobéissons pas, comment les choses peuvent-elles changer ? » en est la problématique et « un monde profondément en crise » le contexte de son énonciation.
On va y croiser La Boétie et sa servitude volontaire, Frédéric Gros et son tout récent Désobéir, des développements sur les lois naturelles et conventionnelles, la désobéissance civile et incivile notamment. Entre références saupoudrées et pensée aux concepts précis, Guillaume Clayssen développe un raisonnement simple et pénétrant jusqu’à une conclusion en forme d’appel à l’action – « C’est le début de la vie quand tu commences à désobéir à tes peurs ».
Son comparse Erwan l’acrobate lui apporte tantôt la contradiction, tantôt, via quelques acrobaties, des respirations mais aussi quelque chose qui ressemble à la concrétisation de la pensée, à sa mise en actes. Les interruptions du public apportent encore ce qu’il faut de vie à une telle forme, conçue comme un échange théorique et sensible. Le lieu – un espace public – est fait pour casser l’entre-soi du théâtre, et la forme à la fois légère et profonde rend ainsi tangible la capacité de la philosophie à s’adresser à tout un chacun. Avant de s’enfermer dans des livres et des salles de classe, la philosophie se pratiquait en public et c’est certainement de l’esprit de ses illustres prédécesseurs de l’Antiquité qui philosophaient dans les jardins ou dans les rues, voire sur une colonne, que s’inspire Clayssen.
Désobérire a donc tout pour nous réconcilier avec la philosophie. Mais pas seulement. C’est aussi un spectacle qui pense autrement le fait théâtral. Une performance qui abouche le spectacle à la vie. Une réflexion partagée. Un exercice de fragilité. Une partie de plaisir communautaire et une pause une pause pour se remettre de l’ordre dans les idées.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Désobérire
Conception Guillaume Clayssen
Avec Guillaume Clayssen, Erwan FerrierCréé au bar le Satellite, le 14 juin dans le cadre du festival Tournée Générale dans le 12e arrondissement de Paris
6 et 7 juillet : Mimos, Périgueux
9 juillet : Pont-Audemer
29 juillet : Paris 12e (lieu à définir), dans le cadre du festival Tournée Générale
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