Dans le cadre du Festival d’Automne, Baptiste Amann présente le second volet d’une ambitieuse trilogie consacrée à l’idée de révolution au XXIème siècle. Sans répondre hélas à l’horizon d’attente qu’il suscite.
Parmi les auteurs et metteurs français qui se sont penchés sur la révolution ces dernières années, on peut distinguer deux catégories. Ceux qui, tels Joël Pommerat dans Ça ira, fin de Louis (1) (2015), optent pour la reconstitution la plus fidèle possible d’événements passés, et ceux qui regardent les soulèvements d’hier depuis la lorgnette du présent, aussi éclairante que déformante. Sylvain Creuzevault dans Notre Terreur (2010) par exemple, qui interrogeait autour d’une table les traces laissées dans l’inconscient collectif par la sanglante année 1794. Baptiste Amann prend une autre voie. Ou plutôt, il se fraie un chemin personnel entre ces deux manières de faire théâtre de l’acte révolutionnaire. Ancrée de nos jours, dans un pavillon témoin d’une résidence HLM, sa trilogie Des territoires convoque en effet des figures du passé. Condorcet dans le premier volet sous-titré (Nous sifflerons la Marseillaise), et quelques communards dans (D’une prison l’autre).
Comme dans Juste la fin du monde (1990) de Jean-Luc Lagarce, la fratrie se déchire au sujet du sort à réserver à sa maison familiale. Faut-il ou non céder à la pression exercée par les entrepreneurs chargés du projet d’extension du centre commercial voisin ? Chacun a son avis sur la question. Une fois achevé le récit drôle et épique de l’enterrement des parents, les grands enfants rentrent dans leur chez eux en placo poursuivre le débat et commencer leur deuil. Lequel est perturbé par l’intrusion d’un pizzaiolo amoureux (Yohann Pisiou) de Lyn et de Lahcen (Nailia Harzoune, très juste dans cette partition masculine), son copain fraîchement sorti de prison, bientôt rejoints par une certaine Louise Michel (Anne-Sophie Sterck). Une militante activiste qui décide de poser sa tente dans le salon des orphelins. Plus encore que dans son premier volet, Baptiste Amann réunit donc des voix très diverses.
Le jeune auteur et metteur en scène formé à l’ERAC semblait ainsi promettre une réponse originale à une interrogation réactivée par les printemps arabes et le mouvement Nuit Debout à Paris : sur la possibilité d’une révolution au XXIème siècle. Il se perd hélas dans la voie prometteuse qu’il a choisie. En partie faute d’avoir suffisamment défriché le terrain du drame familial sur lequel il installe sa trilogie. Située le lendemain du décès des parents de Lyn (Lyn Thibault, excellente dans son rôle de jeune femme à bout mais toujours debout), Samuel (Samuel Réhault), Benny (Olivier Veillon) et Hafiz (Solal Bouloudnine), la seconde partie de la trilogie a beau être plus polyphonique et s’éloigner du naturalisme de la première, les codes de la tragédie bourgeoise sont assez peu transformés par leur rencontre avec les réalités de la petite classe moyenne d’aujourd’hui et des révolutionnaires de 1871.
Malgré une belle qualité de jeu, Baptiste Amann peine en effet à former un récit choral vraiment singulier. Si parmi les disputes houleuses, monologues très politiques, amour naissant et scènes historiques, Des Territoires (…D’une prison l’autre) nous offre plusieurs beaux moments de théâtre, l’audace spatio-temporelle et politique du projet se perd dans un mélange assez convenu de didactisme et de tragique tantôt larmoyant, tantôt hystérique.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Des Territoires (…D’une prison l’autre)
Texte et mise en scène : Baptiste Amann
Interprétation : Solal Bouloudnine, Nailia Harzoune, Yohann Pisiou, Samuel Réhault, Anne-Sophie Sterck, Lyn Thibault, Olivier Veillon
Assistanat à la mise en scène : Sarajeanne Drillaud
Régie générale et création lumière : Sylvain Violet
Création sonore : Léon Blomme
Scénographie : Gaspard Pinta
Costumes : Wilfrid Belloc
Collaboration artistique et régie plateau : Florent Jacob
Texte publié aux éditions Théâtre Ouvert.Festival d’Automne à Paris, Théâtre de la Bastille
Du 2 au 25 novembre 2017
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