Jérôme Bel propose un spectacle composé de collage de témoignages de spectateurs, devenus comédiens pour l’occasion. Ils donnent une vision assez juste de ce qu’est le Festival d’Avignon dans ses côtés positifs et négatifs.
En ouverture de la deuxième représentation de « Cour d’honneur », un comédien est venu sur la scène lire un texte en hommage à Antoine Bourseiller décédé avant l’été, lui qui a ouvert le cloitre des Carmes en 1967. Bel introduction au spectacle de Jérôme Bel qui est une sorte de « Je me souviens » du Festival d’Avignon.
C’est par une petite annonce qu’il a « recruté » quatorze spectateurs, avides de théâtre. Assis en arc de cercle, chacun vient exprimer au micro leur amour du Festival et de la Cour. Sur le papier on a fait la fine bouche en lisant le projet de Jérôme Bel, considérant qu’il avait plus sa place dans un documentaire télévisé que sur une scène de théâtre. Et puis finalement on s’est laissé emporté par ces témoignages touchants et qui mettent bien en exergue la diversité des spectateurs, sans éluder la colère et les débats qui peuvent naitre. Ainsi ce jeune couple de Bruxelles ulcéré comme beaucoup de spectateurs par Casimir et Caroline de Johan Simmons en 2009. Il évoque comment un spectateur a interrompu le spectacle en proférant un « Mange ton caca » aux comédiens. L’un d’eux, Oscar Von Rompay, est revenu pour l’occasion raconter comment il a vécu cet impromptu.
C’est cela aussi le spectacle de Jérôme Bel, il mêle les témoignages et les surprises. Lorsque Vassia Chavaroche, étudiant, raconte sa fascination devant le Inferno de Roméo Castellucci et la montée du mur à mains nues par l’alpiniste Antoine Le Ménestrel, et bien celui fait son apparition et nous gratifie d’une nouvelle prouesse ! Il ya des moments tendres comme lorsque Anne, 11 ans, écolière à Monclar raconte sa vision de Enfant de Boris Charmatz et se met à courir tout autour de la scène. Et puis des moments d’émotion avec Monique, professeur à la retraite, racontant qu’elle conserve tous ses souvenirs dans un cahier et qu’elle souhaite qu’à sa mort, une partie de ses cendres soit versée sur le sol de la Cour.
Certaines vérités sont aussi exprimées grâce à Marie, infirmière prés de Nancy qui évoque le manque de métissage dans le public. Elle raconte qu’elle n’a jamais osé s’aventurer dans la Cour parce qu’elle n’a pas le « sentiment d’appartenance » à ce « petit monde condescendant » qui ne parle que par références. Et de conclure : « l’Art devrait être à la portée de tous ! ». C’est l’un des gros problèmes du Festival d’Avignon. Depuis dix le public a été rajeuni, mais pas forcément renouvelé dans sa composition sociologique. On sait qu’Olivier Py est très préoccupé par ce constat. Il y a encore beaucoup de travail à faire.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Cour d’honneur
conception et mise en scène Jérôme Bel
assisté de Maxime Kurvers
textes de Paul Claudel, Euripide, Ödön von Horváth, Heinrich von Kleist, Jonathan Littell, Molière (en cours)
avec les spectateurs Virginie Andreu, Elena Borghese, Vassia Chavaroche, Pascal Hamant, Daniel Le Beuan, Yves Leopold, Bernard Lescure, Adrien Mariani, Anna Mazzia, Jacqueline Micoud, Alix Nelva, Jérôme Piron, Monique Rivoli, Marie Zicari (en cours)
et les interprètes Isabelle Huppert, Samuel Lefeuvre, Antoine Le Ménestrel, Agnès Sourdillon, Maciej Stuhr, Oscar Van Rompay (en cours)
production Festival d’Avignon
coproduction France Télévisions, Association R.B. (Jérôme Bel)-Paris
Durée estimée: 2h
Festival d’Avignon
Cour d’honneur
Du 17 au 20 juillet 2013
22h
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