Décortiquer la vie conjugale pour s’aimer mieux, un vaste programme mené avec brio par les Filles de Simone, avec leur dernière pièce Derrière le hublot se cache parfois du linge.
Les Filles de Simone étaient attendues au tournant. Après le carton de leurs deux dernières pièces C’est (un peu) compliqué d’être l’origine du monde et Les secrets d’un gainage efficace (qui ont chacun tourné plusieurs années), leur dernière création était attendue de pied ferme. Depuis 2015 le collectif composé de Claire Fretel, Tiphaine Gentilleau et Chloé Olivères décortiquent avec humour et culot les nombreuses discriminations dont sont victimes les femmes. Après avoir exploré le thème de la maternité dans leur première pièce, puis évoqué les injonctions qui pèsent sur les corps des femmes, le collectif se penche désormais sur le couple : comment la vie conjugale hétérosexuelle et parentale est-elle, encore aujourd’hui, empreinte d’inégalités ?
Cette fois-ci Claire Fretel se charge de la direction d’acteur et d’actrice et laisse sa place au plateau, où l’on retrouve Tiphaine Gentilleau et Chloé Olivères, accompagnées par André Antebi. “Notre homme de la situation, notre échantillon” ironisent les comédiennes, “on s’est dit que quand même, il en fallait au moins un !” La démarche est semblable aux deux autres créations : les récits intimes récoltés à l’occasion de cercles de paroles, terreau de la pièce, sont agrémentés de références sociologiques et théoriques. On se trouve à la croisée de Réinventer l’amour, l’essai de Mona Chollet et du Coeur sur la table, de la journaliste Victoire Tuaillon.
C’est par la fin que débute la pièce : les lumières sont allumées dans le public, le comédien et les deux comédiennes s’assoient en bord de scène pour un temps d’échange factice avec les spectateurs. Le maquillage sur leur visage a coulé, le décor est sens dessus dessous : la pièce a eu lieu. Cette glose vient décontracter le public : “ce n’est pas du tout un spectacle contre les hommes !” nous prévient-on. “D’ailleurs il n’est pas question des hommes, il est question du patriarcat”. Et on rit, finalement, de voir ainsi anticiper nos interprétations et les discussions qui vont inévitablement surgir dans les foyers à la sortie de la représentation. Car Derrière le hublot est bien une de ces pièces qui ne laisse pas indifférent.
Par une succession de saynètes, des couples évoluent tantôt en thérapie, tantôt au coeur de scènes de ménage vaudevillesques, tentant de se comprendre, de s’aimer sans se déchirer, de communiquer, enfin. La tasse qui traîne, le linge qui ne se plie pas… sont pour les Filles de Simone autant de petites batailles qui en disent long sur nos constructions conjugales. “On a l’impression que ce qui se passe dans nos couples ce sont des histoires de salles de bain, mais c’est bien plus que cela. C’est aussi politique.”
Le vécu des comédiens et des comédiennes n’est jamais loin. Leur intimité non plus. “On joue nos rôles, comme dans la vie. Des rôles qu’on connaissait déjà par coeur et qu’on aimerait réécrire” explique le collectif. Sans faire le procès du couple ni de la parenté, la pièce donne quelques réponses, heureuses ou désespérées, pour modifier ces schémas, voire le réinventer.
Sur le plateau, les tableaux poétiques et picturaux inspirés de l’esthétique de la BD, signés Emilie Roy à la scénographie, s’enchaînent : un rideau de douche vient habiller une scène tragique, des panneaux de bois transforment une cuisine en chambre d’enfant… Au centre d’entre eux, trône une machine à laver, objet de tant de conflits, symbole de tant de pernicieuses inégalités.
Le sujet des violences dans le couple, lui, est rapidement éludé, on peut le regretter, au moyen d’une une courte référence métathéâtrale à Othello, de Shakespeare : on verra le Maure de Venise condamner à mort sa femme Desdémone qu’il croit infidèle. Le sujet de Derrière le hublot est bien de traiter de l’amour entre deux partenaires qui se respectent, la violence est seulement effleurée. C’est un choix. La pièce couvre malgré tout un vaste et ambitieux programme, admirablement mené par un collectif qui excelle dans l’art de mettre en geste les combats et réflexions féministes contemporains.
Fanny Imbert – www.sceneweb.fr
Derrière le hublot se cache parfois du linge
Création collective Les Filles de Simone
Avec André Antébi, Tiphaine Gentilleau, Chloé Olivères
Direction d’acteur.ices : Claire Fretel
Création lumières : Mathieu Courtaillier
Scénographie: Emilie Roy
Costumes : Sarah Dupont
Chorégraphie: Jeanne AlechinskyPRODUCTION Les Filles de Simone
COPRODUCTION l’ECAM au Kremlin Bicêtre, Le PIVO – Pôle itinérant en Val d’Oise – Théâtre en territoire, scène conventionnée d’intérêt national « art en territoire », Le Théâtre Paris Villette, la ville de Riom, l’Orange Bleue à Eaubonne, Les Scènes du Jura, Scène nationale et le Théâtre Sartrouville Yvelines CDN.
AVEC LE SOUTIEN de la Région Ile-de-France – Aide à la création ; du Fonds SACD Théâtre ; de la Mairie de Paris – Aide à la résidence artistique et culturelle
PARTENAIRES Monfort Théâtre Paris ; La Maison du Théâtre d’Amiens ; La Ferme du Buisson – Scène Nationale de Marne-la-Vallée ; l’Azimut – Antony/Châtenay-Malabry ; le Théâtre du Vésinet ; le Forum Jacques Prévert, Carros; La Garance, scène nationale de Cavaillon ; La Manufacture Centre Dramatique National Nancy Lorraine ; Le Théâtre du fil de l’eau, Pantin ; Théâtre de l’Olivier Scènes & Ciné.
La compagnie Les Filles de Simone est conventionnée par la DRAC Ile-de-France Ministère de la Culture et de la Communication
Durée : 1h30
Création du 9 au 16 novembre 2022 : Antony (92) – L’Azimut, Théâtre Firmin Gémier / Patrick Devedjian
14 au 30 septembre 23 – Théâtre 13 / Bibliothèque – Paris (75)
13 octobre 23 – Espace Culturel des Corbières – Ferrals les Corbières (11)
15 octobre 23 – L’Arande – St Julien en Genevois (74)
17 octobre 23 – Les Scènes du Jura – Lons le Saulnier (39)
30 novembre 23 – La Coupole – Saint-Louis (68)
23 janvier 24 – Le Champilambart – Vallet (44)
25 janvier 24 – Scène Nationale 61 – Alençon (61)
5 au 6 mars 24 – Le Fil de l’eau – Pantin (93)
8 mars 24 – Le Figuier blanc – Argenteuil (95)
9 mars 24 – Salle du Citoyen – Lognes (77)
14 mars 24 – Centre Simone Signoret – Canéjan (33)
16 mars 24 – Théâtre municipal Ducourneau – Agen (47)
19 mars 24 – La 2Deuche – Lempdes (63)
21 mars 24 – Théâtre des Louvrais – Pontoise (95)
22 mars 24 – Le Sel – Sèvres (92)
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !