Une page de la musique contemporaine se referme : la compositrice finlandaise Kaija Saariaho, considérée comme une des plus grandes de son temps, est décédée vendredi à Paris à 70 ans.
Souffrant d’un cancer depuis début 2021, elle s’est éteinte « dans son lit, chez elle à Paris » , a indiqué sa famille dans un communiqué, tandis que la maison d’édition musicale Chester Music, avec qui elle travaillait depuis 1986, a rappelé combien elle s’est « battue » avec « force et grâce » contre la maladie.
Comme d’autres maisons d’opéra, le Royal Opera de Londres s’est dit « attristé » par sa disparition, et a salué en elle « une des plus importantes compositrices de notre époque ». Le Carnegie Hall à New York, l’Opéra de Paris, la Fenice à Venise ont eux aussi salué la mémoire de cette compositrice, figure de proue d’une génération d’artistes finlandais et une des rares femmes à avoir brisé le plafond de verre dans un milieu encore très masculin.
En France, où elle était installée depuis les années 80 avec son mari, le compositeur Jean-Baptiste Barrière, Kaija Saariaho avait été sacrée en 2022 aux Victoires de la musique classique pour son opéra Innocence, créé au Festival d’Aix en 2021, sur une fusillade dans une école. « La représentation d’Innocence il y a seulement quelques semaines au Royal Opera House a été – pour tous ceux qui l’ont vécue – l’une des soirées les plus bouleversantes et les plus émouvantes du théâtre », a déclaré vendredi Oliver Mears, le directeur du Royal Opera.
Ce thriller lyrique en plusieurs langues avait fait sensation au Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, dans le sud de la France, en 2021. Il avait fallu sept ans à Kaija Saariaho pour donner naissance à cette oeuvre à laquelle ont participé deux de ses compatriotes: la romancière Sofi Oksanen (« Purge »), qui a écrit le livret original, et la cheffe d’orchestre Susanna Mälkki.
Dernier concerto
Avant cela, Kaija Saariaho s’est fait connaître avec une autre création, L’Amour de loin (2000), un opéra mis en scène par Peter Sellars sur un livret de l’écrivain Amin Maalouf, qui sera ensuite repris au Met à New York. L’enregistrement de cet opéra par le chef d’orchestre Kent Nagano, avec l’Orchestre symphonique allemand de Berlin, remporta un Grammy aux Etats-Unis en 2011.
Suivront Adriana Mater, également sur un livret d’Amin Maalouf, créé à l’Opéra Bastille en 2006, et Only The Sound Remains, créé à Amsterdam et repris en 2018 à l’Opéra de Paris.
Si ses oeuvres ont été reconnues dès les années 80, ce n’est qu’au début du XXIe siècle que la Finlandaise est devenue une figure de proue de la musique et de l’opéra contemporains.
Née Kaija Anneli Laakkonen le 14 octobre 1952 à Helsinki, elle a grandi au sein d’une famille sans lien avec la musique. Enfant, elle a appris à jouer du piano et du violon.
Elle a ensuite étudié la composition à l’Académie Sibelius d’Helsinki, avec le compositeur Paavo Heininen (décédé en 2022), puis en Allemagne. Elle s’est ensuite installée à Paris en 1982 pour étudier à l’Ircam, l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique créé par Pierre Boulez et qui allie création musicale et recherche scientifique.
Mère de deux enfants, Aleksi Barrière et Aliisa Neige Barrière, elle a passé les derniers mois de sa vie à finaliser son concerto pour trompette HUSH qui sera présenté pour la première fois à Helsinki le 24 août, a indiqué sa famille.
En mars, le président finlandais Sauli Niinistö lui avait remis le titre honorifique d’Académicien des arts, détenu par une poignée d’artistes (11 à l’époque).
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