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De Living, le salon de la dernière heure

À la une, Coup de coeur, Les critiques, Paris, Théâtre

photo Birgit Hupfeld

A la Grande Halle de La Villette, on découvre pour la première fois en France le jeune metteur en scène Ersan Mondtag. Nouvelle coqueluche du théâtre allemand, il présente sa toute dernière création, De Living. Ce spectacle troublant et intrigant ritualise les derniers moments d’une femme noire qui va attenter à ses jours.

Encore inconnu en France, Ersan Mondtag est l’artiste dont tout le monde parle en Allemagne où il joue volontiers le rôle du nouvel enfant terrible. Audacieux et intrépide, ancien assistant de Frank Castorf et Claus Peymann, il a signé, à un peu plus de trente ans seulement, une invraisemblable quantité de productions très remarquées et récompensées notamment au festival Radikal Jung de Munich, aux Wiener Festwochen et au Berliner Theatertreffen. A Berlin, justement, il serait pressenti pour prendre la tête de la Volksbühne, toujours sans directeur depuis que Chris Dercon, a finalement déclaré forfait.

C’est à Bruxelles, au Kunsten festival des arts, que De Living, un spectacle coproduit par le NTGent et le HAU, a vu le jour. On y reconnaît le goût affirmé de Mondtag pour un théâtre qui se place entre la performance et l’installation. L’artiste étant aussi plasticien, c’est lui qui réalise les scénographies, souvent impressionnantes d’exubérance, tout comme les costumes, de ses pièces. Son esthétique très visuelle, psychédélique, presque criarde, joue à étrangéiser le réel, à renverser l’ordre et les stéréotypes, à exacerber les peurs et l’horreur que peut susciter notre époque. Dans De Living, Mondtag se révèle beaucoup moins outrancier, véritablement moins bouffon et bariolé, plus tragique et plus humain qu’à l’accoutumée.

Sur scène, se jouent les instants qui précèdent l’issue fatale d’une femme interprétée simultanément par Doris et Nathalie Bokongo Nkumu, deux danseuses (et sœurs jumelles à la vie), deux très fortes présences, au jeu à la fois très introverti et habité. Chacune évolue dans un des deux côtés d’un décor parfaitement symétrique qui reproduit à l’identique mais dans des intervalles temporels différents, une cuisine fonctionnelle, décorée dans un style bucolique japonisant. Assise à table, stoïque, devant une bouteille de Gin et une mystérieuse enveloppe rouge, elle attend, elle médite, longuement. Puis, elle ira allumer le four, restera à nouveau posément devant, avant de s’engouffrer tête la première dedans. L’apparition de son double, en tenue de travail, inaugure un retour en arrière où on les voit se changer, s’occuper, faire le ménage, la cuisine. Déjà dans Tyrannis, Mondtag représentait le quotidien muet et routinier d’une famille confinée. En jouant fort habilement de la distorsion et de l’étirement du temps comme du dédoublement de l’espace et de la protagoniste, Ersan Mondtag reconstitue à la manière d’un puzzle et donc sans linéarité tout ce qui a précédé le suicide d’emblée dévoilé.

Le drame intime qui se joue contient aussi une importante dimension politique. La femme est noire de peau. Un portrait de Leopold II trône en majesté sur le mur en fleurs. Mondtag renvoie à peine implicitement à l’histoire de la colonisation et pose la question du conditionnement tragique, du déterminisme fatal de l’individu anéanti par son destin.

Dans ce spectacle très fort, très beau, très prenant, aucun mot n’est prononcé pendant 75 minutes. A la place, se font entendre les accents à la fois mélancoliques et angoissants d’une musique qui pastiche les bandes originales de film d’horreur, et des bruits de sirènes comme des échos lointains et glaçants à la guerre ou l’état d’urgence. Une odeur de gaz se propage avec persistance dans la salle. Les corps rendent minutieusement compte de la menace toujours latente et de la tragédie forcément inévitable. Dans chacun de leurs gestes, leurs déplacements, très économes et mesurés, nullement anodins, ils tiennent en haleine jusqu’à l’irréparable.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Ersan Mondtag
De Living (Le Salon)
Conception, direction, scénographie Ersan Mondtag Dramaturgie Eva-Maria Bertschy Avec Doris Bokongo Nkumu & Nathalie Bokongo Nkumu

Consultant scientifique Prof. Benigna Gerisch

Production : NTGent / Co-production : Kunstenfestivaldesarts Brussel La Villette Paris, Théâtre de Liège, HAU Hebbel am Ufer – Berlin

Création au Kusten festival des arts à Bruxelles le 10 mai 2019

Durée 1h15

Festival 100%
du 4 au 6 juin 2019
La Villette
Grande Halle

5 juin 2019/par Christophe Candoni
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1 réponse
  1. Brigitte Courot
    Brigitte Courot dit :
    7 juin 2019 à 8 h 06 min

    Ce spectacle muet nous parle beaucoup, lorsqu’on a survécu au début. Sa dramaturgie et son étrangeté nous saisissent et nous étreignent pour nous conduire à une fin dilatée tout au long de la pièce et tellement vivante.

    Répondre

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