Découvert dans le cadre du Festival Off d’Avignon, Danton Robespierre s’impose comme un texte brillant sur la Révolution française porté par deux comédiens hors pair, Hugues Leforestier et Nathalie Mann.
Sur le papier, c’est un projet qui fait peur : assister à une pièce au sous-titre scolaire inquiétant – Les racines de la liberté –, à un spectacle sur Danton et Robespierre qui polémiquent autour d’une table pendant 1h15. Avouons-le, même l’amateur de théâtre aguerri prendrait ses jambes à son cou. Eh bien, il aurait tort. Cette pièce créée en 2021 est une découverte magnifique. Elle réconcilie avec l’Histoire, donne envie de se (ré)intéresser à la politique. Et nous émeut avec ses comédiens épatants.
La réussite du texte écrit par Hugues Leforestier (qui joue Danton) tient à son savant dosage entre intelligence historique et sensibilité humaniste. La pièce se déroule pendant la Terreur donc, à l’occasion d’une rencontre – plus ou moins secrète, plus ou moins imaginaire – entre les deux chantres de 1789. D’un côté, il y a Robespierre, qui défend mordicus les exécutions à la pelle, convaincu que le projet révolutionnaire échouera sans elles ; de l’autre, il y a Danton, persuadé que son camarade va trop loin et qui pressent, à raison, qu’il terminera sous la guillotine, à cause de la folie de son ami. D’emblée, l’auteur joue sur l’opposition des caractères que l’on connaît, et qui fonctionne au plateau. D’un côté, il y a Robespierre, tout à ses idéaux révolutionnaires, dévitalisé, glacial et insensible – le teint de sa peau est horriblement grisâtre ; de l’autre, il y a Danton, criant d’humanité, bon vivant, hâbleur, séducteur – il évoque la bonhomie du Porthos d’Alexandre Dumas. Sauf que, c’est plus compliqué. Sans justifier les crimes de la Terreur, évidemment, Hugues Leforestier nous donne le point de vue de Robespierre, un Robespierre sans lequel, peut-être, la révolution n’aurait pas abouti. Le voilà enfin dans toute sa complexité.
Il est rare de l’entendre. Ses idéaux, paradoxalement, sont touchants d’humanité. Danton le comprend, et l’aime ainsi. Entre les deux, rien n’est surligné, tout se joue au contraire entre les mots, et c’est cette pudeur amicale, précisément, qui est belle. La deuxième réussite tient à la conception antitéléologique de l’Histoire d’Hugues Leforestier. En montrant l’histoire en train de se faire, l’auteur nous laisse entrevoir la révolution et la suite des événements avec son lot d’indéterminations et de hasards. C’est rare et c’est très intéressant. Enfin, comme tout bon récit historique, celui-ci nous fait réfléchir à l’actualité, à commencer par cet immense héritage démocratique, mis à mal, qui nous impose de lutter. Aujourd’hui plus que jamais. Et un dernier détail : Robespierre est joué par une femme (Nathalie Mann), ce qui n’a absolument aucune importance. Le tour de force est remarquable.
Igor Hansen-Love – www.sceneweb.fr
Danton Robespierre / Les racines de la liberté
de Hugues Leforestier
Mise en scène Morgane Lombard
Avec Hugues Leforestier, Nathalie Mann
Scénographie et costumes Charlotte Villermet
Lumière Maurice Fouilhé
Univers sonore Florent Lavallée
Perruques KousDurée : 1h15
Vu en juillet 2022 à l’Espace Roseau Teinturiers, dans le cadre du Festival Off d’Avignon
Théâtre des Gémeaux Parisiens
du 13 septembre 2025 au 3 janvier 2026
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