L’Agrif, association proche des catholiques traditionalistes a perdu son procès contre Jean-Miche Ribes, le directeur du théâtre du Rond-Point et les Solitaires Intempestifs, éditeurs de la pièce. Ils étaient poursuivis pour provocation à la haine envers les chrétiens, pour avoir fait jouer en 2011 la pièce « Golgota Picnic », du dramaturge argentin Rodrigo Garcia. Si certains propos « ont pu et peuvent (..) paraître provocants pour certains lecteurs », « ils ne sauraient pour autant être considérés comme incitant au rejet ou à la haine des chrétiens », ont estimé les juges de la chambre de la presse.
Revoici la façon dont s’était déroulé le procès le 30 octobre 2015.
Plus de deux heures de débats enflammés, le prétoire de la 17ème chambre correctionnelle ressemblait à une scène de théâtre pour cette audience autour de l’affaire Golgota Picnic. Le Rond-Point et la maison d’édition Les Solitaires Intempestifs étaient poursuivis en justice par l’Agrif, association proche des catholiques traditionalistes, pour avoir représenté et édité en 2011 la pièce du dramaturge argentin Rodrigo Garcia.
Lors de ses représentations en France (à Toulouse en novembre 2011 et Paris en décembre 2011) la pièce a opposé les catholiques traditionalistes, qui la jugent blasphématoire et « christianophobe », et les défenseurs de la liberté de création. On se souvient de Manuel Valls alors en campagne pour la Présidentielle aux côtés de Jean-Michel Ribes. Pas de manifestation au tribunal mais de trés belles passes d’arme et un Jean-Michel Ribes, impérial, seul à la barre, à défendre la liberté d’expression sur une scène de théâtre.
Dans l’ordonnance de renvoi le magistrat instructeur avait donné raison à l’AGRIF en estimant que « les propos extraits de la pièce et qualifiés de diffamatoires par la partie civile dépassent les limites de la liberté d’expression et peuvent s’analyser, par le discrédit qu’ils font peser sur la personne du Christ et son action, par leur violence et par la stigmatisation de la communauté de ceux qui en sont les disciples, en une incitation à la haine, et au rejet des catholiques ».
Son de cloche différent hier au Tribunal où la Procureure a requis la relaxe, estimant que « la présentation de Jésus est certes péjorative mais ne concerne pas tous les chrétiens« . « Je ne vois pas en quoi ces propos seraient susceptibles d’entraîner la provocation » a-t-elle argumenté en ajoutant « c’est une œuvre de fiction, ce n’est pas contestable ». L’avocat de l’AGRIF avait demandé 5000 euros « pour réparer le mal » en basant toute son argumentation sur la provocation subie par les chrétiens et en accusant la pièce d’engendrer la violence. « L’art ne justifie pas tout, les chrétiens se sont sentis méprisés. C’est un spectacle violent envers les chrétiens. C’est une provocation. Est ce que aujourd’hui un artiste irait faire un spectacle sur les souffrances de Daesh ? Non ! »
Jean-Michel Ribes, très théâtral, citant Oscar Wilde, Bossuet, Voltaire, Freud, Aragon a rappelé combien il s’est senti agressé pendant les représentations. « Je me suis senti bafoué car c’est un grand texte comme Les Misérables. Je me suis senti hors de la République, j’ai été agressé par les chants « France, blanche et catholique. Des gens de Civitas avaient vomi au dernier rang sur les spectateurs« . « Cette pièce était un hommage à la paix » a-t-il lancé à la barre avant de conclure: « Je vous conseille de relire Sade, il y a un gros procès à faire !
Le jugement a été mis en délibéré au 10 décembre 2015.«
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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