Les sept personnes poursuivies pour avoir cyberharcelé le metteur en scène Thomas Jolly, après la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris-2024, et contre lesquelles des peines de prison avec sursis ont été requises mercredi 5 mars, seront fixées sur leur sort le 5 mai prochain.
Au cours de l’audience devant le tribunal correctionnel de Paris, les prévenus étudiant, auto-entrepreneur ou encore retraité sont apparus comme des monsieur et madame Tout le monde ayant basculé dans la cybercriminalité. « Ces messages ont terrorisé Thomas Jolly. Il en a fait des cauchemars, il regardait en permanence autour de lui », a expliqué son avocate, Patricia Moyersoen. Dans ses réquisitions, la procureure a dénoncé le sentiment d’impunité des personnes qui réagissent à chaud et envoient si facilement des messages pour donner leur avis. « Or, on sait que ces propos peuvent ensuite armer une personne », a-t-elle ajouté, faisant référence aux attaques physiques après des mises en cause sur les réseaux sociaux.
Le ministère public a requis des peines allant de 3 à 8 mois de prison avec sursis à l’encontre de ces sept hommes et femme âgés de 22 à 79 ans, jugés pour « menaces de mort réitérées, cyberharcèlement et injures aggravées en raison de l’orientation sexuelle ou de l’appartenance vraie ou supposée à une religion ». La procureure a également requis des stages de citoyenneté et une suspension du compte d’accès en ligne pour une durée de 3 et 5 mois pour deux d’entre eux. Seuls cinq prévenus étaient présents dans la salle, dont tous les bancs du public étaient occupés, les deux autres étant retenus ou malades. Thomas Jolly, également absent, s’est excusé auprès du tribunal par le biais de son avocate.
Dès l’ouverture du procès, la présidente de la 17e chambre a cité certains des messages envoyés l’été dernier : « Thomas Jolly est une tantouse, ça explique bien des choses ! » ou encore « ce juif dégénéré qui attaque des milliards de chrétiens dans le monde ». Son message, Antoine C., dit le regretter. « Sac à foutre, Dieu ne t’oubliera pas ! », avait-t-il envoyé sur Instagram au directeur artistique, choqué par la prestation du chanteur Philippe Katerine, corps peint en bleu et dont le sexe était caché par une couronne de fruits. Choqué aussi par l’apparition peu de temps après « d’hommes et de femmes nus ou presque nus à proximité d’enfants de huit à dix ans ». À la barre, Lucien T., 76 ans, lui succède. Il se décrit comme « un vieux qui s’emmerde » et qui « critique tout ». Il raconte avoir arrêté X après son interpellation. Il y passait des heures chaque jour et commentait beaucoup. Au metteur en scène, il avait envoyé le message suivant : « Comment le CIO a laissé passer les conneries de Thomas Jolly, ce juif dégénéré qui attaque des milliards de chrétiens dans le monde ? ».
Des profils « banals »
Chacun des prévenus a confié son profond écœurement pour le fameux tableau représentant un groupe attablé qui a été interprété par certains comme une parodie moqueuse du dernier repas de Jésus avec ses apôtres, la Cène, telle que représentée par Léonard de Vinci. « Mais on a le droit d’être choqué ! », s’est exclamé Philippe Sanseverino, avocat d’un des prévenus. « M. Jolly voulait représenter la France mais il faut réaliser que la France, ce ne sont pas seulement des personnes qui vont au théâtre. C’est aussi des Français qui habitent une zone rurale, qui regardent la cérémonie en famille avec leurs enfants et qui ne comprennent pas ce qu’ils voient », a poursuivi l’avocat. Chaque conseil a insisté à sa manière sur les profils « banals » de leurs clients, loin des trolls professionnels qui sévissent sur Internet. Des Français qui se sont laissé entraîner par la facilité de communication offerte par les réseaux sociaux.
Le tableau intitulé Festivité avait été pris pour cible par de nombreux spectateurs. « Thomas Jolly n’a jamais voulu représenter la Cène », a rappelé son avocate. « Il faut réaliser que le CIO interdit toute référence religieuse dans les cérémonies des Jeux olympiques. C’est tout simplement interdit ! », a insisté Me Patricia Moyersoen. Pour contrer la polémique, le directeur artistique des cérémonies des Jeux olympiques et paralympiques avait expliqué avoir voulu représenter une « grande fête païenne reliée aux dieux de l’Olympe ». « Qu’on puisse être à ce point cible de haine, d’injures, de menaces, d’intimidations, ça m’a déstabilisé, au sens où ce que je voulais dire ce soir-là, c’était des messages d’unité », avait-il confié.
Le metteur en scène avait reçu le soutien immédiat du CIO et paralympiques et de plusieurs personnalités, notamment de la maire de Paris Anne Hidalgo et du président Emmanuel Macron qui s’était dit « scandalisé » et « triste », estimant que « rien ne justifie qu’on menace un artiste ». Outre Thomas Jolly, plusieurs artistes ayant participé à la cérémonie d’ouverture des JO avaient été la cible de cyberharcèlement et de menaces, notamment la DJ française Barbara Butch, star du tableau incarné par des drag queens.
Céline Bruneau © Agence France-Presse
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