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Seul ce qui brûle : le royaume incandescent Julie Delille

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Yannick Pirot

® Yannick Pirot

Avec Seul ce qui brûle, adaptation du roman éponyme de Christiane Singer, Julie Delille nous plonge dans les affres d’une passion extrême, où l’homme se confond avec l’animal. Sombre, lent, traversé par une parole précise et élégante, ce théâtre se place hors de l’époque pour en dire l’étrange et la violence.

« La philosophie d’aujourd’hui veut nous persuader que nous sommes différents des bêtes. Je ne le crois pas un seul instant. J’ai hérité pour ma part de la prescience que je leur vois si souvent, de cet instinct qui anticipe cataclysmes et accalmies ». Prononcés par la comédienne Lyn Thibault dans Seul ce qui brûle, adaptation du roman éponyme de Christiane Singer, illustrent la parenté entre cette pièce et Je suis la bête, la deuxième création de Julie Delille à la tête de sa compagnie Les Trois Parques créée en 2015. Dans ce seul en scène, elle incarnait en effet elle-même une protagoniste davantage à son aise parmi les animaux que parmi les hommes : Méline, l’enfant sauvage imaginée par Anne Sibran dans un récit à la poésie singulière et trouée de silences. La continuité ne se limite pas au sujet : baignées dans une semi-pénombre, d’une lenteur qui fait peu de concessions à l’action, les deux pièces présentent une esthétique à rebours de toutes les modes. Un charme sombre, hors-lieu et hors-temps.

Bien qu’entièrement épistolaire, à la mode du XVIIIème siècle – avec un côté XVème, l’auteure s’étant inspirée d’un récit de l’Heptaméron de Marguerite de Navarre – jusque dans sa langue ciselée, précise et d’une distinction rare, délicieusement surannée dans sa manière de dire les sentiments, le roman de Christiane Singer porte une théâtralité que Julie Delille a su saisir. La situation d’ouverture, celle qui déclenche l’écriture de Sigismund, Seigneur d’Ehrenburg, n’est autre qu’une forme de représentation. Comme chaque soir depuis que, par jalousie, il a tué le page qu’il soupçonnait être l’amant de sa femme Albe, celle-ci est contrainte de se livrer au rituel sordide que lui impose son mari : tandis qu’il est caché à sa vue par un artifice de lumières, il la force à boire dans le crâne de son prétendu amant. Le rituel devient jeu dès lors qu’un visiteur fait intrusion dans le sombre quotidien du couple. Soit le Seigneur de Bernage, dont l’identité importe en vérité très peu : il est le témoin, le spectateur saisi, transformé sans doute, par ce qu’il voit, et qui change en retour cette réalité. À peine posé sur eux, son regard fait en effet renaître entre eux l’amour étouffé par la violence.

Ce qui se produit entre ces trois personnages, cette métamorphose réciproque, est la définition idéale du théâtre. Et tout ce qui précède, l’amour fou et la violence, sont ce qui y mène. Julie Delille choisit pourtant d’effacer au maximum la part théâtrale de cette histoire de mort et de renaissance. Ou plutôt, elle l’aborde à sa façon : par le détour, par l’obscurité qui permet à Lyn Thibault et à Laurent Desponds de s’aventurer dans toutes les strates du texte. Elles sont nombreuses. Les beautés et ravages de l’amour, le rapport à la nature très fort chez Albe, la liberté que cette même femme parvient à cultiver en dépit de la solitude absolue où la tient son époux depuis le meurtre… Dans la scénographie et les costumes de Chantal de la Coste, qui cosigne aussi l’adaptation du roman – elle était déjà de Je suis la bête, de même qu’Elsa Revol aux lumières qui inquiètent autant qu’elles enveloppent –, les deux comédiens se font présences dépassées par leurs propres gestes, et par leurs mots qu’ils déploient avec une facilité et une distance qui ne sont pas celles des vivants.

Entre le monologue de l’homme et celui de la femme, un long silence nous permet d’observer dans tous ses détails l’étrange dedans-dehors où évoluent ses acteurs, et la tapisserie tantôt opaque tantôt translucide qui fait de chaque apparition/disparition de Lyn Thibault une sorte d’épiphanie. À ce moment-là, c’est toute la vision du théâtre de Julie Delille qui apparaît avec clarté. C’est sa manière de faire un monde avec peu, en excluant tout ce dont le théâtre n’a pas besoin pour exister. C’est son rapport essentiel au silence, qui fait penser à Claude Régy sans chercher à l’imiter, présent jusque dans les moments où la parole s’emballe, semble ne plus vouloir s’arrêter. Dans la pénombre de Seul ce qui brûle, il y a un théâtre puissant qui donne raison à Christiane Singer lorsqu’elle dit en préambule de son livre : « Rien ne m’apparaît plus apte à nous refléter l’irréalité de nos systèmes de pensée contemporains que l’exploration d’autres espaces humains d’égale chimère et d’égale fureur ».

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Seul ce qui brûle

Mise en scène : Julie Delille
D’après le roman de Christiane Singer publié en 2006 aux éditions Albin Michel

Avec : Laurent Desponds et Lyn Thibault

Assistante à la mise en scène : Alix Fournier-Pittaluga

Adaptation : Chantal de la Coste, Julie Delille

Scénographie, costumes : Chantal de la Coste

Création lumière : Elsa Revol

Création sonore : Julien Lepreux

Régie générale : Antonin Chaumet

Décor Ateliers de construction : maisondelaculture de Bourges

Administration : Cécile Pennetier

Graphisme : David Morel à l’Huissier

Production : Théâtre des trois Parques
Coproduction : La maisondelaculture de Bourges, Scène nationale / Équinoxe, Scène nationale de Châteauroux / Théâtre de l’Union, Centre dramatique national du Limousin / Gallia Théâtre – Saintes / Théâtre de Chartres / festival Printemps des Comédiens – Montpellier / Centre dramatique national d’Orléans – Centre-Val de Loire.

Avec le soutien du Théâtre du Bois de l’Aune – Aix-en-Provence / de l’Abbaye de Noirlac – Centre Culturel de Rencontre / du CENTQUATRE-Paris.
Le Théâtre des trois Parques est soutenu par la DRAC Centre-Val deLoire, la région Centre-Val de Loire, le département du Cher et la commune de Montlouis, en Berry.
Julie Delille est depuis septembre 2019 artiste associée à La maisondelaculture de Bourges, Scène nationale. Elle est également artiste coopératrice du Théâtre de l’Union, Centre dramatique national du Limousin pour la saison 2020-2021.

Durée : 1h30

Vu au Centre Dramatique National d’Orléans

Théâtre de l’Union / Centre Dramatique National de Limoges

Les 15 et 16 décembre 2020

Equinoxe / Scène nationale de Chateauroux

6 et 7 janvier 2021

Théâtre Olympia / Centre Dramatique National de Tours

Du 19 au 21 janvier 2021

Printemps des Comédiens – Montpellier

Juin 2021

Reports sur saison 2021/22

Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence

Théâtre d’Angoulême / Scène nationale

Théâtre de Chartres

6 décembre 2020/par Anaïs Heluin
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