Dans De la sexualité des orchidées, Sofia Teillet regarde de très près le règne végétal. Aussi documentée, intelligente que décalée, cette conférence-spectacle invite à regarder le monde avec curiosité.
« Les saisons s’dérèglent, les femmes veulent des couilles, les mecs des règles ». Après quelques mots de bienvenue, quelques remarques sur le trouble que provoquent chez elle les mesures sanitaires, Sofia Teillet nous donne le ton de son exposé avec cette citation du rappeur Oxmo Puccino : décalé. Elle nous avertit aussi qu’à travers la reproduction végétale, il est probable que De la sexualité des orchidées dise quelque chose de nous, êtres humains. Qu’en tous cas, il ne serait pas idiot d’y penser. Ce qui est sûr d’emblée, c’est que la performance dit beaucoup de son auteure et interprète afin, dit-elle dans son dossier de production, « de travailler une forme solo, légère techniquement, partiellement improvisée, pouvant être jouée en dehors des salles de théâtre, et avec comme seul partenaire le public ». Dans cette première création personnelle, la comédienne – on a pu la voir par exemple dans les spectacles de Benjamin Abitan, Pauline Ringeade ou encore Vincent Macaigne – est complètement embarquée.
Longtemps, Sofia Teillet a détesté la plante à laquelle elle a consacré de nombreux mois de recherche pour venir nous en parler. Elle nous en avertit d’emblée, pour éviter tout malentendu. L’orchidée, pensait-elle, manque cruellement d’humilité : pourquoi se donner ces airs précieux, compliqués, quand on est en vente à bas prix dans toutes les grandes surfaces et qu’on peuple les toilettes de restaurants et des vitrines de toutes sortes ? Elle aimait exprimer son aversion pour la plante. Jusqu’à ce qu’un ex-petit ami lui en offre une. Là, dit-elle, une passion est née. Commence alors la partie scientifique du spectacle, aussi importante que les nombreuses anecdotes humaines et animales dont la conférencière beaucoup plus foutraque qu’elle n’en a d’abord l’air agrémente sa leçon de choses. La vie intime de l’orchidée et celle de la Sofia Teillet plus ou moins réelle qui nous parle – sans qu’elle le formule, on se doute qu’elle pratique une forme d’autofiction – ne font qu’un. Et c’est bien.
De la sexualité des orchidées a tout pour plaire aux antispécistes, mais il n’a pas été conçu pour ça. Si l’artiste place l’humain et la plante sur un pied d’égalité, c’est avant tout pour développer une parole et un espace de jeu singuliers, où les frontières entre science et théâtre sont poreuses et en permanente évolution. À l’image de l’orchidée, dont Sofia Teillet nous apprend qu’elle est âgée de 75 à 80 millions d’années, parce qu’elle a su s’adapter à son environnement et mettre au point un système de reproduction d’une efficacité redoutable. Ce qui, nous dit-elle, fut et continue sans doute d’être « son seul but dans l’existence ». L’orchidée, d’un coup, nous remet à notre place. Elle nous en impose, elle est édifiante avec sa manière de faire passer le pollen du sexe masculin au sexe féminin. Dans la bouche de l’auteure et comédienne du spectacle, tout cela est croustillant comme les histoires sentimentales d’une bonne copine volage.
Technique d’attraction des insectes, symbiose avec un champignon microscopique… Pour expliquer tous ces détails de l’existence de l’orchidée, Sofia Teillet joint le geste à la parole. Avec une maladresse feinte, délicieuse, elle se met dans la peau de l’abeille ou dans les atomes du pistil, de l’étamine. Elle développe ainsi une manière bien personnelle de faire d’un savoir un objet de théâtre, et se fait une belle place auprès de spécialistes en la matière, tels que David Wahl avec ses causeries sur des sujets divers – la boule de cristal, l’histoire spirituelle de la danse ou encore les fonds marins – ou Frédéric Ferrer, capable de parler Anthropocène aussi bien que Jeux Olympiques. De la sexualité des orchidées a tout pour être l’acte de naissance d’une nouvelle conférencière tout-terrain.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
De la sexualité des orchidées
Conception et écriture : Sofia Teillet
Production : Camille Bono / L’Amicale
Collaborateur artistique : Charly Marty
Ingéniosité́ et entraide précieuse : Arnaud Boulogne & Sébastien Vial
Remerciements chaleureux : Marion Le Guerroué, Marius Schaffter, Le Limonaire.
Production : l’Amicale
Coproduction : Scène Nationale Le Carré – Centre d’art contemporain Pays de Château-Gontier, l’Atelier 210 Bruxelles (BE)
Avec le soutien du Théâtre de Poche, scène de territoire pour le Théâtre / Bretagne romantique et Val d’Ille – Aubigné́ et la Maison folie Wazemmes, Lille, Le Corridor, Liège (BE).
Vu au Centre Wallonie Bruxelles
Durée : 1h
7 OCTOBRE 2021 :
L’ÉCHANDOLE – YVERDONS LES BAINS (CH)13,14,15,16 ET 19,20,21 OCTOBRE 2021 :
CENTQUATRE – PARIS (75)7,8,9,10,11 ET 14,15,16,17,18 DÉCEMBRE 2021 :
THÉÂTRE DE NAMUR (BE)31 MARS, 1ER, 2 AVRIL 2021 :
THÉÂTRE DE POCHE – HÉDÉ BAZOUGES (35)
TOURNÉE TERRITOIRE
Le spectacle joue également durant tout le mois de juillet au théâtre du train bleu !