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Chloé Dabert renoue avec Dennis Kelly

Coup de coeur, Les critiques, Paris, Théâtre
Victor Tonelli

photo Victor Tonelli

Ce seul en scène interprété avec une belle profondeur par Bénédicte Cerutti et mis en scène par  Chloé Dabert nous plonge dans un passionnant enfer.

Avec son verbe tout en contrastes, brut, à la limite parfois de la vulgarité mais capable aussi de grandes élégances dans le style et l’analyse, l’héroïne de Girls and Boys de Dennis Kelly offre à qui s’y frotte un vaste champ des possibles. Mise en scène par Mélanie Leray, et récompensée par le Molière 2019 du meilleur « Seul(e) en scène », Constance Dollé en faisait une femme aux apparences mondaines, distinguée. Installée avec quelques spectateurs derrière une table richement dressée, elle la campait en hôte dont la gouaille et l’humour créaient d’emblée une étrangeté, presque un malaise. Dans la mise en scène de Chloé Dabert, dont la compagnie Héros-Limite est très liée à l’univers de Dennis Kelly – après Orphelins, lauréate du festival Impatience en 2014, elle crée en 2017 L’Abattage rituel de George Mastromas –, le contraste entre la mise-en-scène et la parole de la femme est moindre. Interprétée par Bénédicte Cerutti, celle-ci est d’autant plus troublante que la trivialité et son contraire cohabitent sans cris, sans hystérie. Et ce jusque dans le pire, territoire bien connu de Dennis Kelly.

« J’ai rencontré mon mari dans la file d’embarquement d’un vol Easyjet et je dois dire que cet homme m’a tout de suite déplu ». Dès cette première phrase prononcée avec une petite moue ambiguë, mi-écoeurée mi-ironique, la comédienne se place à mi-chemin entre boulevard et tragédie. Elle circulera entre ces deux registres tout au long d’un monologue d’une heure quarante, sans jamais quitter sa retenue initiale. Grâce à une adresse frontale, qu’elle abandonne lorsque son personnage plonge dans ses souvenirs et nous donne l’impression de les reconstituer en direct, Bénédicte Cerutti fait d’emblée du public un partenaire. Nul besoin de l’inviter sur le plateau pour faire de lui le muet interlocuteur d’un récit qui retrace tout un cycle de vie, depuis la fondation d’une famille – avec l’homme de l’aéroport – jusqu’à sa ruine. Au fur et à mesure de la pièce, le statut du spectateur s’éclaircit : il participe d’un processus de réparation, suite à une tragédie également révélée par étapes. Selon une mécanique aussi précise que discrète.

Déjà familière de l’écriture de Dennis Kelly et du travail de Chloé Dabert – celle-ci l’a dirigée dans son Abattage rituel de George Mastromas et dans un Iphigénie –, Bénédicte Cerutti en porte toutes les strates sans jamais ployer sous leur poids. En jean et t-shirt, défendant une partition aussi minimaliste que la scénographie et la vidéo conçues par Pierre Nouvel, la comédienne sait se rendre disponible à toutes les projections et interprétations que peut susciter le texte. Elle donne à voir les grandeurs, les forces de son personnage, tout comme ses faiblesses, voire ses fautes. Elle donne autant de place à ses mots d’amoureuse qu’à ses réflexions de mère ou de chargée de production de films documentaires. Enfin, contrairement à Constance Dollé, elle ne fait pas de la mort des deux enfants de sa protagoniste une révélation, mais un simple pas dans l’honnêteté. Envers elle-même d’abord, ainsi qu’envers nous, ses discrets interlocuteurs.

L’écueil possible avec une telle pièce est d’en faire une pièce à charge contre la domination masculine et les méfaits du capitalisme. Grâce à une maîtrise parfaite de l’écriture de Dennis Kelly, très technique et exigeante sous des dehors très simples, proches d’une langue quotidienne, Bénédicte Cerutti l’évite avec élégance. En mettant sur un même plan les ombres et les lumières de son personnage, de même que ses cauchemars et sa réalité, elle nous offre en partage toutes les questions que pose ce texte où psychologie et critique sociale se nourrissent mutuellement. Grâce à l’épure de son jeu et de l’ensemble des composantes de la mise en scène de Chloé Dabert, ce Girls and Boys va bien au-delà de l’horreur qu’il contient en son cœur. Il sonde ce qu’il y a d’inné et d’acquis dans les relations humaines, et dans ce qui cause leurs dérèglements.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Girls and Boys

Texte : Dennis Kelly

Traduction : Philippe Le Moine

Mise en scène : Chloé Dabert

Avec : Bénédicte Cerutti

Scénographie et vidéo : Pierre Nouvel

Création son : Lucas Lelièvre

Costumes : Marie La Rocca

Régie générale : Arno Seghiri

Production : Comédie de Reims, Centre dramatique national

Avec le soutien du CENTQUATRE-PARIS

Spectacle créé en mars 2020 à la Comédie-Centre Dramatique national de Reims.

L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté

Durée : 1h40

Théâtre 14

Du 6 au 23 décembre 2022

8 décembre 2022/par Anaïs Heluin
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