A partir d’un texte incisif d’Hakim Bah revisitant le mythe de Thyeste, Frédéric Fisbach « boulevardise » inutilement la tragédie inspirée de Sénèque.
Sur un terrain de basket-ball isolé, Atrée et Thyeste brutalisent leur demi-frère bâtard, le rouent de coups, lui pissent dessus, lui coupent la langue, lui font manger, l’arrosent d’essence, mettent le feu… Le faire disparaître est le plan qu’ils ont fomenté pour s’assurer d’empocher la totalité de l’héritage familial. Sur scène, l’insoutenable acte barbare n’est pas montrer mais se joue dans un noir complet d’où seuls les sons et les voix surgissent amplifiés.
Les mots, l’urgence, la nervosité, l’agressivité de l’écriture et du ton parfois redondants se donnent à entendre mais très loin de l’horreur attendue, la mise en scène et la direction d’acteurs de Fisbach opèrent une drastique mise à distance et produisent un semblant de comédie parodique bien excessive et hors de propos. Sur scène, tout est simplement moche, sans hauteur, dégradé. Les acteurs surjouent et ne semblent pas croire ce qu’ils jouent. Traiter la violence dont il est question avec une telle légèreté relève de l’inconséquence et le sens de ce décalage inapproprié échappe.
L’épisode des Atrides revisité se voit propulsé dans un quotidien de sitcom où un mystérieux voisin s’introduit chez Atrée avec une carabine pour régler ses comptes après une histoire de tromperie. Le coupable est impassible, vissé à son écran ordinateur, casque sur les oreilles. Erope, femme de maison, toujours au bord de la crise de nerfs, dissimile son malaise derrière des amabilités obséquieuses qui flirtent avec l’hystérie. Thyeste débarque. Et c’est encore le carnage.
Arrivé à l’ambassade américaine pour effectuer les démarches nécessaires à l’installation de son couple et de son bébé aux États-Unis, Atrée procède à un test ADN pour obtenir les visa, il découvre par méprise que l’enfant n’est pas le sien. Alors intervient la fameuse scène du banquet où il sert à son frère la chair de sa progéniture.
Les rôles sont partagés, échangés entre six comédiens inégalement convaincants. Seul l’acteur martiniquais Nelson-Rafaell Madel tire son épingle du jeu. Et dans un formidable final qu’il porte à bout de souffle et de bras avec une belle énergie rageuse, il fait enfin atteindre à l’intensité tragique dont on était jusque-là complètement privé.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
CONVULSIONS
HAKIM BAH | FREDERIC FISBACH
Avec Ibrahima Bah, Maxence Bod, Madalina Constantin, Lorry Hardel, Nelson-Rafaell Madel, Marie Payen
Prix RFI Théâtre 2016 | Ed. Tapuscrit / Théâtre OuvertAvignon Off 2018
Théâtre des Halles 6 > 29 juillet à 19h30
Relâches : 9, 16 et 23 juillet
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