Dans le cadre du 1er Festival Hautes Tensions au Parc de la Villette, Clotide Ramondou crée « Clients », d’après un texte de Grisélidis Réal. Cette écrivaine, prostituée, révolutionnaire, née à Lausanne en 1929 est décédée en 2005 à la suite d’un cancer. Elle a commencé à se prostituer en Allemagne dans les années 60 avant de devenir dans les années 70 très active dans les milieux protestataires. Elle deviendra une « catin révolutionnaire ». Elle a fondé un Centre International de documentation sur la prostitution et une association de d’aide aux prostituées à Genève. Son « Carnet de bal d’une courtisane » rassemble des notes sur 220 clients, ce sont les clients de Solange, son nom de prostituée. Chaque homme est décrit par quelques mots, elle note ses préférences sexuelles. On y découvre Antonio le gigolo gangster, Joseph l’italien au pendentif, Christian le campagnard, Grégory qui aime les combinaisons, Edouard la douceur – ancien boucher à la Villette…
Clotilde Ramondou s’est entourée d’un chœur d’hommes dirigé par Jean-Christophe Marti. Le spectacle est découpé en trois parties : l’approche, l’effervescence, et les Cérémonies. Chacune rythmée par des Lieder de Schubert : Sehnsucht –le Désir, la Nostalgie, Liebe – l’Amour, Die Nacht – la Nuit. Avec une certaine douceur et une certaine nonchalance, Clotilde Ramondou égrène un à un les noms des clients. La salle est allumée en quasi permanence avec un plein feu qui malheureusement souvent aveugle le spectateur et l’indispose. Ce que ne facilite pas la concentration. Dommage car resserré le spectacle gagnerait en efficacité.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Rencontre avec Clotilde Ramondou et Jean-Chistophe Marti
Pourquoi Clients comme titre du spectacle ?
Clotilde Ramondou : L’édition 2005 avant la mort de Grisélidis Réal s’appelle « Le carnet de bal d’une courtisane » mais sur la première page est écrit le mot clients et il nous a semblé plus juste de l’utiliser comme titre pour le spectacle. Il n’y a aucune adaptation, c’est l’intégrale. Nous l’avons divisé en trois mouvements qui correspondent à chacun des lieder de Franz Schubert chanté par le chœur d’hommes dirigé par Jean-Christophe Marti.
Dans ce carnet, elle fait très peu de commentaires, elle fait une énumération de ses clients, mais elle ne les juge pas
CR : Il m’a semblé que sur l’ensemble du carnet, comme ce sont des clients réguliers, comme ce n’est pas un texte sur la prostitution, il me semble que cela permet de rentrer dans l’intimité des passes, d’avoir un portrait des hommes, de la sexualité masculine. Il y a des convergences, des dissemblances, il y a des hommes de tous milieux sociaux, de tous âges, qui ont tout type de corps. Je ne voulais pas le faire toute seule. C’est important que des hommes m’entourent. On oublie qu’il y a des clients, on attaque les prostitués, maintenant on va aussi attaquer les hommes, il est question de les pénaliser en France. La prostitution pratiquée par Grisélidis et par ses amies en Suisse a permis d’obtenir un statut de relations sexuelles entre adultes consentants. Il y a une éthique des relations dans le carnet, on l’entend. Je ressens comme une sorte de compagnonnage qui va à l’encontre de beaucoup de clichés sur la prostitution. Quand la prostituée travaille dans de bonnes conditions, elle est la maitresse de la passe. Elle est la maitresse du contrat.
Pendant une grande partie du spectacle, la salle est éclairée, et vous jouez dans les gradins. Pourquoi ?
Il nous semblait que dans cette idée de ne pas travailler sur les clichés, on ne met pas à l’index les clients. Tous les hommes dans la salle peuvent être des clients, ou l’on peut être été ou le seront. Stigmatiser la sexualité des hommes cela revient aussi à stigmatiser la sexualité des femmes. Que la salle soit éclairée plus ou mois, c’est une volonté commune avec l’éclairagiste Marc Delamézière.
Comment avez-vous fait pour travailler avec les chanteurs ?
Jean-Chistophe Marti : C’est un chœur très hétérogène. Il y a des comédiens, des chanteurs professionnels et des chanteurs amateurs qui ont un autre métier. Je les ai choisis. Et Patrick Gufflet, le Directeur de Paris-Villette en fait parti. Il a fait huit ans de chœur. C’est quelque chose de spécifique, il faut se fondre dans une sorte de communauté vocale pour laquelle Schubert a pensé ses musiques. Il écrivait des chœurs d’hommes pour lui et ses amis. Il tenait les parties les plus aigues. Et Schubert chantait dans une communauté d’homme dont on a voulu restituer l’esprit poétique autour de Grisélidis. Cette communauté exprime des sentiments profonds à travers les poètes choisis par Schubert.
Il était important pour vous d’être entourée d’hommes de les effleurer par moment, de les toucher…
CR : C’est une cérémonie d’hommage à Grisélidis et à ses clients. Elle le dit d’ailleurs dans la préface du carnet : « tous ces hommes je les ai aimé ». Elle en a bavé aussi, ce n’est pas facile, c’est un travail. Ce qui me fascine dans le carnet c’est sa très grande connaissance du corps de l’autre et sa très grande écoute. C’est une cérémonie d’hommage et d’adieu comme si elle les faisait surgir du passé. C’est basé sur la réciprocité, la vie partagée et de l’adieu réciproque. Dont il était important que les hommes soient présents tout le temps.
Et dans l’adieu, les hommes se transforment, ils changent de costumes…
JCM : C’est un costume de récital, de bal, de danse commune. Il y a cette idée qui vient du romantisme allemand et de Schubert que les hommes peuvent créer des formes ensemble artistiques, comme pour le tango aussi. Il y a des hommes qui dansent entre eux. On sait que cette société du 19ème siècle à Vienne avait recours à la prostitution. Ce n’est pas misérabiliste. Il y a avait forcément de l’amour, des savoir vivre et de la tendresse.
CR : Elle parle beaucoup de la dimension émotionnelle contenue dans les passes. Sur 220 clients la plupart sont doux, gentils, intelligents ou simples. Il n’y a pas beaucoup de méchants. Il y a un salaud, un radin, un gros vieux sale. C’est tout l’humanité. Ils sont tous accueillis. C’était mon désir de parler de l’humain, du quotidien nu. On vit dans une société bardée de messages contradictoires, d’injonctions intenables. Dans le carnet on voit notre humanité dans sa nudité et sa vérité.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
CLIENTS
Notes pour une représentation du Carnet de Bal de Grisélidis Réal
Mise en scène et interprétation Clotilde Ramondou
Direction musicale Jean-Christophe Marti
Collaboration artistique Hervé Falloux // Scénographie et costumes Laure Deratte // Lumière Marc Delamézière // Régie générale Julien Barbazin
Hommes de chœur Florent Baffi, Florent Cheippe, Antoine David, Patrick Gufflet, Christophe Gutton, Émilien Hamel, Mehdi Idir, Lionel Mendousse, Victor de Oliveira, Pascal Omhovère, Michel Ouimet.
coproduction Parc de la Villette, Théâtre Paris-Villette.
Avec l’aide de la Spedidam et de la DRAC Ile-de-France.
Partenaires du festival Hautes Tensions : Ministère de la Culture, SACD, Arte.net, Télérama, Première.fr, A nous Paris, 20 minutes, France Culture, Le Mouv.
Durée 1h40
Dans le cadre du Festival Hautes Tensions
Théâtre Paris Villette en partenariat avec www.sceneweb.fr
A 21h
06 > 09 avril 2011
13 > 16 avril 2011
si tous les hommes de la salle peuvent être des clients ,alors toutes les femmes de la salle peuvent être des putes aussi !