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La fin du monde selon Nicole Genovese

Coup de coeur, Les critiques, Paris, Théâtre
Claude Vanessa met en scène Le Rêve et la plainte de Nicole Genovese
Claude Vanessa met en scène Le Rêve et la plainte de Nicole Genovese

Photo Charlotte Fabre

Nicole Genovese pratique le décalage et l’incongruité avec un culot réjouissant pour se situer à mi-chemin entre les codes de genre et une veine expérimentale. Le Rêve et la plainte provoque un savant mélange de malaise, d’hilarité et de compassion pour ces indécrottables humains, toujours à parler de tout et de rien alors que la fin du monde leur pend au nez.

À jardin, pendant que le public prend place, un homme en livrée d’époque s’échauffe à la viole de gambe ; au centre du plateau, des tréteaux surmontés d’une structure en bois soutiennent un mille-feuille vertical de toiles peintes qui se découvriront au fur et à mesure en une scénographie artisanale ingénieuse et lumineuse alliant plaisir des yeux et légèreté des changements de décor. Pour le moment, la première toile fait office de rideau de théâtre à l’ancienne, le ton est donné, la tradition est de mise, mais elle sera bientôt bousculée et réinventée au profit d’une poésie de la discordance, réjouissance à l’œuvre dans tous les spectacles de Nicole Genovese qui atteint ici une vitesse de croisière inégalée.

Depuis Ciel ! mon placard, qui revenait aux sources du vaudeville pour mieux secouer la poussière accumulée à coups de références tous azimuts et d’une langue croustillante et corrosive à souhait, en passant par hélas, expérience extrême qui démontait au sens propre et figuré la famille et le théâtre par-dessus le marché, jusqu’à cet inénarrable spectacle jeune public, Bien sûr oui ok, ou comment une séance de pâtisserie dérivait vers le soliloque économique, Nicole Genovese a le chic pour créer des pépites, du jamais-vu et de la pensée au plateau sous couvert de bonhommie et de comédie. Autant dire qu’elle est salutaire et, à sa manière, révolutionnaire. Avec Le Rêve et la plainte, son dernier opus qu’on attendait comme un enfant attend Noël, elle continue son exploration d’un théâtre qui s’assume comme théâtre, dans un décor qui s’assume comme décor, pour y inventer une langue hybride, gorgée de réel, multi-référencée, tendue vers des contrées buissonnières. Et dans cette mixité, cet entre-deux, une poésie singulièrement délectable advient, généreuse et gourmande, cocasse et intelligente.

Du carton-pâte des précédents spectacles aux tréteaux du nouveau, il n’y a qu’un pas, que Nicole Genovese franchit allègrement, d’un pas léger et dansant. Car Le Rêve et la plainte, s’il ne déroge pas à la règle de s’ancrer dans un dispositif scénographique et dramaturgique balisé, s’ouvre à une dimension nouvelle : la musicalité. L’accent méridional porté par des comédiens et comédiennes véritablement originaires du Sud, réhabilite sur scène le chatoiement de la prononciation provençale dans une volonté affirmée de ne pas gommer les particularités régionales et de faire du plateau un espace hospitalier propice à l’écoute de ces différences. Associé au chant délicieux d’Angélique Zaïni, dont la voix cristalline tutoie avec grâce les anges et les fantômes des Bouffes du Nord, et à la superbe partition pour viole composée et interprétée pour l’occasion par Francisco Mañalich, elle aussi le fruit d’un mélange savoureux entre réminiscences baroques et influences méditerranéennes, ce terreau chantant et mélodieux se double d’une scène dansée dans le style de la cour au temps des comédies-ballets, et d’une reprise à capella d’un tube d’Amel Bent, Dis-moi qui tu es (pur moment d’anthologie), tandis que les suspensions de la parole, temps morts du dialogue volontairement arrêté dans son élan, jouent du malaise généré autant que de la beauté impalpable du silence.

C’est un spectacle qui laisse passer les anges. De cette friction permanente entre les genres et les styles, de ce mariage incongru entre niveaux de langage et classes sociales représentées, de ce télescopage science-fictionnel entre deux époques éloignées, Nicole Genovese créé un objet scénique insolite et drolatique comme elle en a le secret. À l’image de ce titre magnifique, Le Rêve et la plainte, qui porte en lui la tension à l’œuvre dans le spectacle, son tiraillement permanent. En effet, nous sommes à Versailles où devisent, en costumes à corset et crinoline (splendide réalisation de Julie Dhomps), une tasse de thé à la main, Marie-Antoinette et la Princesse de Lamballe, bientôt rejointes par Louis XVI (hilarant Maxence Tual sans barbe et en perruque) et le Comte d’Artois (Sébastien Chassagne au meilleur de sa forme, bagout incroyable et verve virtuose). Leur conversation badine passe du coq à l’âne, maladroite et bancale comme dans la vraie vie où l’on ne maîtrise pas toujours les enchaînements de sujets. De la nouvelle cuisine qui fait la fierté de la reine aux tentatives de décrypter les récentes mesures gouvernementales du comte, la discussion affiche sans complexe une contemporanéité qui tranche avec le contexte et assume sa banalité pour mieux nous renvoyer le miroir peu gratifiant de nos us et coutumes, préoccupations de bas étage et opinions à l’emporte-pièce sur à peu près tout et n’importe quoi. Sans pour autant dériver facilement vers la vindicte et le regard hautain à l’égard de ses personnages.

Il y a, comme toujours chez Nicole Genovese, cette tendresse dans le regard qu’elle porte sur l’être humain. Elle n’assène pas de leçon, ne fustige pas nos ridicules, mais elle s’en amuse et nous en délecte, nous rappelant à quel point on est bien peu de choses face au désastre écologique. En entremêlant l’insouciance d’un pique-nique bucolique entre ami·es et l’inquiétude de notre propre finitude, en assombrissant le tableau ensoleillé d’une partie de campagne d’une nappe sonore lancinante et angoissante, elle matérialise la proximité de la menace et notre impuissance à y faire face. « C’est désolant ce monde qui se vide de sa poésie », dit un personnage. De son écriture libre et facétieuse, Nicole Genovese y remédie indéniablement et impose définitivement sa place d’outsider dans le paysage théâtral actuel.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

Le Rêve et la plainte
Texte Nicole Genovese
Mise en scène Claude Vanessa
Avec Solal Bouloudnine en alternance avec Raouf Raïs, Sébastien Chassagne, Nicole Genovese, Robert Bogdan Hatisi, Francisco Mañalich, Nabila Mekkid, Angélique Zaini
Musique Francisco Mañalich
Collaboration artistique Adrienne Winling
Création et régie son Émile Wacquiez
Création et régie lumières
Régie générale Pierre Daubigny
Costumes Julie Dhomps
Scénographie Nicole Genovese, Pierre Daubigny avec le conseil d’Antoine Fontaine et Émilie Roy
Construction Eclectik Sceno
Peintures Lùlù Zhang

Production Association Claude Vanessa
Coproduction Châteauvallon-Liberté – Scène nationale ; Théâtre de Lorient – CDN ; Le Trident – Scène nationale de Cherbourg ; Théâtre Sorano – Scène conventionnée de Toulouse ; Tangram – Scène nationale Evreux-Louviers ; Le Parvis – Scène nationale de Tarbes Pyrénées
Avec le soutien de la DRAC Ile-de-France, du Fonds SACD Théâtre et Musique de scène, de l’Adami, du Théâtre  13 pour l’accueil en résidence, de la Ciamada Nissarda pour le prêt de costumes

La compagnie Claude Vanessa est conventionnée par la DRAC Ile-de-France pour les années 2024 et 2025.
Le texte Le Rêve et la plainte est publié aux éditions de la Librairie Théâtrale, collection L’Œil du Prince.

Durée : 1h30

Vu en décembre 2022 au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris

Théâtre de la Tempête, Paris
du 2 au 25 mai 2025

3 mai 2025/par Marie Plantin
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