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Christian Benedetti, metteur en scène résistant

À la une, Les interviews, Théâtre

Christian Benedetti aime travailler avec des auteurs contemporains. Il a fait découvrir Sarah Kane au public français (Blasted en 2000 aux Amandiers), il a travaillé avec Biljana Srbljanovic, Gianina Carbunariu, Christophe Fiat. Dans son Théâtre Studio d’Alfortville, il revisite La Mouette de Tchekhov, 32 ans après une première mise en scène. Anamaria Marinca joue le rôle de Nina. Un théâtre brut, à fleur de peau, sans effet. Rencontre avec un metteur en scène résistant.

Vous revenez à Tchekhov, 32 ans après votre première mise en scène. C’est l’envie de revenir à un classique ?

Pour moi ce n’est pas un classique. J’avais besoin de faire un point. La Mouette a été ma première mise en scène quand je suis arrivé à Paris et c’est une pièce qui m’a appris énormément de choses, elle a été le point de départ, et après 15 ans de travail avec des auteurs contemporains, il fallait que je revienne la visiter pour savoir si je m’étais perdu, si j’avais été fidèle à mes rêves, si j’avais fait des concessions, des compromis. C’est un peu revenir à la maison, faire un point pour repartir, pas pour arriver et puis mourir, mais repartir.

Quel lien faites-vous entre la Mouette et votre travail au Théâtre Studio sur les auteurs contemporains ?

La problématique centrale de la pièce, c’est « qu’est ce que c’est que le contemporain ? » C’est passionnant de voir comme Tchekhov traite de cela et met en perspective la nécessité d’écrire. Treplev a la sensation de vivre dans un siècle brisé, il n’a pas les mots pour verbaliser cela et il a la sensation qu’il faut qu’il meure pour être contemporain. On dit souvent qu’un bon auteur et un auteur mort. Il prend en pleine face les faisceaux des ténèbres de son temps, c’est très difficile pour lui de les mettre en perspective. Nina est dans la fascination d’un besoin de reconnaissance par rapport à ses parents qui l’ont déshérité. Elle est à la mode, elle est fascinée par l’auteur connu. Elle joue la pièce de Treplev. Au début elle ne sait pas jouer, elle dit que ça n’a pas d’intérêt, elle signe l’arrêt de mort de ce texte et à la fin elle revient et la rejoue, et elle la trouve formidable. C’est comme les défilés de mode, le short on en fait plus et puis 15 ans après Jean Paul Gautier dit: « le short c’est formidable ». Et tout le monde le dit….On recycle. Et le seul vraiment contemporain dans la pièce c’est Dorn qui a la capacité de recul et de réflexion et de mise en perspective de la temporalité. Il est proche de l’origine, c’est le seul qui voyage.

C’est aussi une pièce sur le questionnement de l’artiste, qu’est ce qu’un artiste ?

C’est-à-dire que ce questionnement, il est mis en écho par Médvendeko l’instituteur. Il est confronté à ce monde inconséquent, ces gens qui écrivent, qui se plaignent, qui voudraient écrire mais qui ne peuvent plus…Et en fait il pose lui la question de l’utilité de l’art, et il demande pourquoi ils n’écrivent pas une pièce sur les instituteurs. Personne ne peut lui répondre. Si on n’est pas utile, à quoi on sert ? Il est regardé par les autres comme un parasite, parce que ce sont des gens vulgaires qui ne font que se regarder eux-mêmes. Et Tchekhov pensait que les instituteurs étaient plus importants que les artistes.

Vous êtes un metteur en scène sans concession, vous n’êtes pas dans l’institution, avez-vous le sentiment d’être un artiste en résistance ?

J’espère, en tout cas je résiste à la tentation. Je ne vois pas quelle autre position adopter. Résister à la pensée unique, à ce mouvement complément fou de cette société de ce mouvement où l’on veut nous faire croire que l’Histoire n’existe pas. Quand Sarkozy dit qu’il n’y a pas de continuum historique, c’est complément aberrant, c’est un mensonge total. Et que l’on soit conduit par des gens d’une inculture, d’une vulgarité, c’est terrible. La seule solution c’est de rester debout. Il faut sortir de cet espace consanguin comme les politiques. On dirait un film de Depardon, on dirait un village du Massif Central, ils ont tous baisé entre eux ! Ils sont tous niailles. Il faut réfléchir, être debout et marcher, marcher vers les autres. Tant que j’ai la chance de rencontrer des gens qui me tiennent debout que ce soit Edward Bond, Gianina Carbunariu, Christophe Fiat et qui m’ont fait l’honneur de travailler avec eux et m’ont fait comprendre le monde autrement, mais de façon plus douloureuse, ça fait avancer la pensée. La seule solution c’est d’être intranquille, dès qu’on est tranquille on est foutu, on est mort. Une proposition de création pour moi, c’est comme un braquage, et on braque les spectateurs à un endroit où ils ne s’attendaient pas être braqués. Si on fait cela pour que les gens voient tranquillement ce qu’ils s’attendent à voir, je  ne vois pas l’intérêt de le faire. D’autres le font mieux que nous, avec tout l’argent nécessaire pour le créer. Mais on s’en fout.

Justement dans cette pièce, vous braquez les spectateurs en laissant la salle allumée…

Oui car c’est un vrai dialogue. Moi je ne crois pas aux personnages, c’est une structure qui se met en dialogue avec les spectateurs, on parle. On a gardé ce qui était strictement nécessaire pour jouer la pièce. Et encore je pense qu’il y en a encore trop. Une scénographie juste indicative, allusive est suffisante. Il faut faire confiance à l’imaginaire du spectateur. Il sait bien qu’il n’est pas à la campagne. Ce n’est pas la peine de lui mettre des photos de faux arbres. C’est juste pathétique, c’est moche et ça coute de l’argent. Je pense comme Francis Bacon que cela ne sert à rien de continuer à peindre des arbres. Il faut trouver une nouvelle façon de les peindre. Il faut amener le spectateur à avancer avec nous, pas juste être là et regarder. C’est pour cela qu’on les regarde et on leur parle, on les met face à leur présent. On ne peut pas faire comme si on ne savait pas que des gens nous regardent.

Les scènes nationales vont fêter leurs 20 ans, vous dirigez le Théâtre-Studio à Alfortville. Est-ce que vous regrettez de ne pas avoir accepté à un moment donné une direction de structure publique ?

Il m’est arrivé d’être candidat parce que le Théâtre-Studio était en grande difficulté et que j’avais la charge de l’équipe. J’ai développé un projet et cela ne s’est pas fait. L’hypocrisie fondamentale, où tu fais parti de ce milieu, et tu joues le jeu, ou alors on te tolère, mais tu restes quand même en dehors. J’ai assez vite compris cela, en sachant que le jeu des nominations est truqué. Lorsqu’un poste est libre, on sait bien que le Ministère téléphone à tel ou tel pour qu’il soit candidat. Il faut être naïf pour penser comme le dit si bien Sarkozy que c’est au « mérite ». C’est intéressant de voir ce que cela produit au bout du compte. Les choses sont formatées. Toutes les scènes sont faites sur le même modèle. Je suis très heureux d’être à Alfortville dans cet espace de liberté. Je peux avoir une idée à 3 heures du matin et réveiller mon équipe, on a les clefs, on vient quand on veut. J’aime bien avoir un cadre et peindre à côté aussi. C’est une liberté qui se paye très chère. Il faut inventer des moyens, on retire de l’argent. Un Ministre m’a dit qu’est ce que vous faites dans un espace à la limite de la légalité. Je lui ai répondu qu’il y était venu et qu’il le subventionne. Ca veut dire quoi, il faut être dans un espace de police, c’est ça ?  Mais il y en a déjà assez. C’est pour cela qu’il n’y a pas de pensée culturelle, c’est un espace de police qui se transforme. Du coup on doit réinventer au Théâtre-Studio. Comment produire un spectacle ? Comment le diffuser ? Comment envisager son économie ? On a cette flexibilité. On est dans notre monde, et pas hors du monde. Quand on voit le coup de certaines scénographies, c’est aberrant, je ne comprends pas. On peut entendre de façon réactionnaire ce que je dis, mais je ne peux pas imaginer montrer sur un plateau une scénographie qui est trois fois le salaire de ce que gagnait ma mère. C’est dégueulasse, même si on dit le théâtre c’est le rêve. Ce n’est pas vrai. C’est de la connerie ça. C’est un outil le théâtre. Personne n’est dupe. Et moralement ce n’est pas bien, alors effectivement on résiste et ça nous oblige à inventer tout le temps. Et c’est très bien au bout du compte.

Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr

12 février 2011/par Stéphane Capron
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1 réponse
  1. SCHMITT
    SCHMITT dit :
    13 février 2011 à 9 h 16 min

    Il a raison, Benedetti, et il ose le dire ! Mais la profession est timorée dans son ensemble. Elle acquiesce par lâcheté ! Réductions budgétaires dit-on ? Oui, mais pas pour le monde ! On trouve pour Patrice Chéreau les moyens de reconstituer « les salles du Louvre » au Théâtre de la Ville, après qu’il ait créé au Louvre !!! On trouvera 12 millions d’euros pour construire une salle de répétitions en Avignon de la grandeur de la Cour d’honneur, et qui plus est, s’appellera « la Fabrique », sans le moindre égard pour un théâtre avignonnais qui porte déjà ce nom. A Nanterre, on prévoit de détruire et de reconstruire le Théâtre des Amandiers pour 52 millions d’euros, simplement pour une question « d’urbanisme » (déplacement de moins de 500 mêtres) !!!! Voilà ce qu’on laisse faire ! Mais qui va s’opposer à la voix du SYNDEAC, par exemple ? En tout cas, bravo à Benedetti ! Qu’il continue ! Parce c’est dans nos lieux que le théâtre reste vivant !

    Patrick Schmitt
    La Forge / Nanterre

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