Pièce d’ados pour tous, La loi de la gravité, mis en scène par Cécile Backès, traite de la volatilité des désirs et des identité sexuelles avec une séduisante simplicité.
« Le théâtre ne s’empare pas beaucoup du sujet, et ça fait du bien de le voir sur scène » remarque une lycéenne à l’occasion de la rencontre qui succède à la représentation de La loi de la gravité à la Comédie de Béthune. Il est vrai que si la question du genre occupe pas mal l’espace médiatique contemporain, elle court moins les planches. On n’oubliera quand même pas l’héritage imposant de Shakespeare, notamment, sur cette question. Mais si Olivier Sylvestre, auteur québecois trentenaire, n’est pas Shakespeare, il a créé avec cette pièce une œuvre qui fait la nique à la binarité et qui s’inscrit pleinement dans notre temps.
Fred et Dom se rencontrent au pied d’un pont. Dom voudrait devenir un garçon et se maquille pour séduire Amélie. Fred embrassera Jimmy, non sans tomber un peu amoureux de Fred. Ici, les identités sexuelles sont mouvantes, les attirances ne sont pas figées. Nos deux héros ont 14 ans et accueillent leurs premiers émois sans a priori. Ils échangent dans un grand terrain vague, près d’un pont, mais aussi par clavier interposé. Ils habitent à Presque-La-Ville, où leur liberté est parfois menacée par le regard des autres – qui en ont, eux, des a priori – et rêvent de traverser le pont pour rejoindre La Ville, où, pensent-ils, leurs désirs pourraient s’épanouir plus librement. Pour cela, il faudrait passer la rivière, franchir le pas, peut-être devenir adulte.
Leur histoire dure le temps d’une année scolaire. Ulysse Bosshard interprète Fred, grand blond lunaire, doux, égaré, sensible et toujours sincère. Marion Verstraeten est Dom, plus nerveuse, méfiante et renfermée, casquette vissée sur la tête. Entre eux, dans cette cabane ouverte aux quatre vents dessinée par Marc Lainé, scénographe du spectacle. Arnaud Biscay, en alternance avec Héloïse Divilly, accompagne leurs échanges de bruitages et de percussions joués en direct.
La mise en scène de Cécile Backès, directrice du CDN de Béthune qui achèvera son mandat en juin, se place tout au service du texte. Elle fait vibrer ce terrain vague, épicentre des rencontres entre Dom et Fred, autant dans ses dimensions réaliste, que fantastique et métaphorique. Le texte, lui, est étonnamment paisible, peu conflictuel. Il ne fait pas une affaire politique des « particularités » de Dom et Fred. S’ils se trouvent bien, ces deux-là sont avant tout des ados confrontés à l’essor de leurs désirs. Des ados comme les autres. Et leur histoire, une histoire comme une autre. Une normalité qui contamine cependant un peu le texte, ce dernier manquant au final de relief, de surprises, empruntant des voies peut-être un peu trop balisées. Néanmoins, Ulysse et Marion forment un duo aussi convaincant qu’attachant, et la cabane s’avère aussi constituer une belle machine à jouer qui permet à cette loi de la gravité de ne jamais s’appesantir, et de porter cette question du genre et des inclinaisons sexuelles, peut-être, de la meilleure manière qui soit.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
La loi de la gravité
texte Olivier Sylvestre (Québec)
mise en scène Cécile Backès
jeu Marion Verstraeten, Ulysse Bosshard
batterie Arnaud Biscay en alternance avec Héloïse Divilly
assistanat à la mise en scène et dramaturgie Morgane Lory
scénographie Marc Lainé assisté de Anouk Maugein
son Stephan Faerber
lumières Christian Dubet
costumes Camille Pénager
accessoires Cerise Guyon
maquillage Catherine Nicolas
training physique Aurélie Mouilhade
mentions de production
production Comédie de Béthune – CDN Hauts‑de‑France
coproduction Théâtre de Sartrouville – CDN
texte publié aux éditions Passage(s), collection Libres courts au TARMACThéâtre de Sartrouville Yvelines CDN, du 25 au 27 mai (navette mise à disposition en soirée)
puis à la Comédie de Saint-Etienne du 2 au 4 juin et repris à la Comédie de Béthune les 8 et 9 juin prochains.
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